Ne soyons pas naïfs, les supermarchés où l’on va faire nos courses, où nous payons avec une carte bancaire à notre nom des articles qui figurent sur un ticket de caisse, c’est techniquement « croisable », aussi, avec vos données médicales, où notre nom figure aussi. Elles ne sont bien sûr pas stockées par la même structure. N’empêche, l’opération est faisable.

Si on couple l’IA et les modèles prédictifs, on pourrait très bien être informé, avant qu’on ne le sache nous-même, de ce que l’on va acheter lors de nos prochaines courses, voire de notre risque de contracter une maladie… Les données sont là, il suffit de les corréler à l’extrême.

Heureusement, du moins je l’espère, la réglementation et la conformité s’exercent au bon niveau. Sans réglementation, nous serions dans un monde sans foi ni loi, où nous ne serions que des humains prévisibles, analysés en permanence pour le seul profit des entreprises. Néanmoins, l’ultra-digitalisation de nos sociétés civiles soulève un problème d’éthique et d’implications sociétales. L’influence des algorithmes des réseaux sociaux, que ce soit sur nos choix individuels ou sur nos opinions, n’est pas négligeable. Nous pensons tous, sous couvert du sentiment de liberté que nous ressentons, avoir accès à toute l’information et toute la connaissance, à des choses auxquelles aucun de nos ancêtres avant nous n’a eu accès. Mais cela a un prix : si c’est gratuit, c’est que le produit c’est nous.

Nous ne reviendrons pas en arrière. La société ne se dé-numérisera pas. Il faut apprendre à vivre avec cette certitude que notre vie sera de plus en plus analysée, disséquée, soumise à des algorithmes d’IA, pour que les entreprises puissent affiner au mieux leurs produits, transformer leurs efforts marketing en ventes fermes. Le produit c’est nous, la data c’est nous.

Alors soyons ultra-libéraux, vendons notre âme au diable ! Vendons-nous ! Imaginons un monde où nous sommes aussi une valeur data, où celle-ci est monnayable, sous réserve d’accord, bien sûr. Libre à ceux qui ne le veulent pas de le refuser. Et libre à ceux qui le veulent de le faire, dans la mesure du respect de l’éthique humaine.

Le défi sera alors de fournir un consentement éclairé pour savoir comment nos données sont utilisées en y mettant la limite que nous voulons. Monétiser ses data personnelles est un acte moderne, futuriste, peut-être même rentable. Si une entreprise veut accéder à mes données pour que je succombe au charme de ses produits, cela aura un prix. Je conçois que ce soit acceptable pour certains, très certainement aussi complètement impensable ou abject pour d’autres. Mais quitte à être exploité, autant faire partie de l’équation en toute connaissance de cause.

Alain de Fooz
Editeur responsable Solutions Magazine
www.soluxions-magazine.com