Si au nom de la liberté de la presse, si au nom du droit et du devoir d’informer, les journalistes n’ont pas l'obligation légale de respecter cette présomption, ils doivent à tout le moins s'abstenir de faire passer pour coupable une personne prévenue dans l’attente d’une décision de justice. L’intérêt général ne peut, a fortiori, se confondre avec la curiosité déplacée du public qui ne dispose pas d’un droit absolu à tout savoir. 

Au Diable la vérification !

Au non-respect de la présomption d’innocence s’ajoute aussi un secret qui s’affiche utopie. De nombreuses affaires sont émaillées par la parution, dans les médias, d'éléments relevant du secret de l'instruction. Difficile de pointer les acteurs lâchement silencieux de ces fuites. Le journaliste sans scrupules qui les exploite est au mieux couvert par le secret des sources, quand il ne les invente pas.

A la recherche du sensationnalisme, oppressée par une audience à préserver génératrice de chiffres, une presse exsangue de ses fondamentaux, que sont la prudence et la vérification des faits, semble prête à tout pour diffuser une information « relative », celle des apparences. 

Le fameux « prêt-à-penser »

Contagion sociale, intervient aussi le « prêt-à-penser ». Il était une fois la rumeur. Information officieuse, de source inconnue, mais « certifié » conforme, ce fameux bruit qui court ! « Il paraît que », l'ombre plane avec démesure sur la mesure.  Amalgames hissés aux rangs de vérité par ceux qui ceux qui pensent qu'il n'y a pas de fumée sans feu, véhiculée comme une trainée de poudre, la rumeur est boulimique. Elle s'alimente de tout. Elle détrône la vertu et s'abreuve de vices. A sa cotation en bourse, pas d'effondrement de son cours. Acheter de la rumeur et vendez des nouvelles. Le retour sur investissement est garanti lorsque le bruit court et la redite suscite le brouillard. Elle est la fumée d'un bruit obstiné, baromètre de l'influence. Mise au pilori sans assistance, la rumeur nauséabonde est assassine. Elle fait office de validation.

Circulez, y a rien à voir !

Point de convergence entre la rumeur et un journalisme racoleur ? Au pays des boiteux, d’aucuns pensent qu’ils marchent droit. Il leur manque pourtant une béquille, le sens critique. Pour avoir du sens critique, soit cette absence irréversible de conclusions hâtives, il faut être empreint de sagesse. C’est à cette condition seulement que naît le discernement, cette capacité de pensées plurielles qui mènent au doute.

Le doute est une interrogation, ce pressentiment d'une réalité différente. Il s’oppose à la certitude, notion de ce qui est sûr et qui n’est pas discutable. Le doute ne désespère pas de la vérité, il l’enrichit. Informations validées, opinions pondérées, il retient le jugement tant que font défaut les raisons objectives de trancher. La science cherche le mouvement perpétuel. Le bien le plus précieux d’un journaliste consciencieux, ce sont ses doutes, car ils le gardent en mouvement. Une presse libre, contre-pouvoir, est une presse qui s’habille de réserve et de décence, qui cherche à éclairer d’un prisme en lecture et qui s’abstient lorsqu’elle doute. « Il faut toujours se méfier de sa première impression, c’est toujours la bonne, surtout lorsqu’elle est mauvaise », disait Oscar Wilde.

La presse travaille dans la journée, la Justice dans la durée. Le travail de la Justice a besoin de temps pour faire son œuvre. Dont acte ! En attendant les conclusions de l’enquête, les indécents, prière de circuler, y a rien à voir !