Lighthouse Reports, en collaboration avec SRF, ARD Monitor, Al Jazeera, Il Domani et Solomon, a obtenu des photographies, des séquences vidéo et des témoignages révélant que les personnes qui risquent leur vie en s'embarquant sur des ferries à destination des ports italiens de l'Adriatique (Venise, Ancône, Bari et Brindisi) dans l'espoir de demander l'asile se voient refuser la possibilité de le faire. Au lieu de cela, elles sont détenues dans le port avant d'être enfermées sur les navires sur lesquels elles sont arrivées et renvoyées en Grèce. En plus d’avoir pu filmer les lieux, les journalistes ont trouvé des inscriptions sur les murs de ces « prisons », les noms des personnes illégalement détenues et des dates, autant de preuves accablantes pour l’Union européenne. Parmi les personnes détenues se trouvent aussi des mineurs d’âge. En recoupant les témoignages, Lighthouse Reports et ses partenaires ont pu identifier plus de 200 personnes ayant été illégalement emmenées en Grèce par les autorités italiennes. Un chiffre qui ne serait que la pointe de l'Iceberg.

Copyright : Sur le navire commercial Superfast I, les personnes sont détenues dans des cages métalliques dans la salle des garages sur l'un des ponts inférieurs. Il y fait extrêmement chaud pendant les mois d'été

Une complicité à l’Europe

En vertu d'un accord bilatéral de « réadmission » signé entre le gouvernement italien et le gouvernement grec - en vigueur depuis 1999 bien qu'il n'ait pas été ratifié par le parlement italien - l'Italie est autorisée à renvoyer dans le pays les migrants sans papiers qui sont arrivés de Grèce. Cette mesure ne peut toutefois être appliquée aux demandeurs d'asile. Or, des demandeurs d'asile originaires d'Afghanistan, de Syrie et d'Irak ont été soumis à ce traitement au cours des 24 derniers mois, constate Lighthouse Reports : 157 personnes ont été renvoyées d'Italie en Grèce en 2021, et 74 en 2022.

Depuis un arrêt de la Cour Européenne des droits de l’homme (CEDH) de 2014, l'Italie affirme pourtant avoir cesser cette pratique et fait pression pour que le contrôle officiel de ses processus frontaliers au port - mis en place à la suite de cet arrêt - soit arrêté au motif que les violations ne se produisent plus. Wenzel Michalski, directeur de Human Rights Watch Allemagne, pointe dans un communiqué la question de la complicité de l'UE, affirmant que les conclusions de Lighthouse Reports relèvent de l’évidence et démontrent « comment l'Europe s'est autorisée à tolérer de telles pratiques ».