Une compétence financière

En 2022, l'OEPP avait annoncé qu'il examinait l'approvisionnement en vaccins de l'UE et les montants engrangés. L'affaire rassemble plusieurs volets juridiques, politiques et financiers. Elle se recoupe avec les procès intentés par le géant pharmaceutique Pfizer à la Hongrie et à la Pologne pour des paiements manquants de doses de vaccins après l'arrêt des livraisons pour cause d’offre excédentaire. La compétence du parquet européen est purement financière. Mais, dans le Pfizergate, elle interroge. Et pour cause. La plainte du lobbyiste belge est historique.

Vers une levée d’immunité

En avril 2023, c'est la première fois que la présidente de la Commission est attaquée à titre personnel sur ce dossier et c’est aussi la première fois qu’un haut fonctionnaire est poursuivi au pénal. Frédéric Baldan, lobbyiste liégeois accrédité auprès des institutions européennes, estime qu’il existe des infractions présumée de corruption. Selon le plaignant, qui s'est constitué partie civile, les finances publiques de la Belgique auraient été lésées par les négociations de von der Leyen avec Albert Bourla, le CEO de Pfizer concernant un contrat signé avec le géant pharmaceutique américain en mai 2021 et portant sur 1,8 milliard de doses de vaccin. Les faits reprochés sont punissables au pénal. Ursula von der Leyen pourrait voir son immunité levée et les SMS échangés pourraient être consultés par le juge d'instruction en charge du dossier.

Ou vers une entrave à la transparence ?

L'OEPP mène, quant à lui, des enquêtes paneuropéennes sur les crimes financiers et peut théoriquement saisir des téléphones et d'autres matériels pertinents dans les bureaux de la Commission ou dans d'autres pays d'Europe, comme l'Allemagne, pays d'origine de Mme von der Leyen. Bémol : les compétences du parquet européen sont limites à des affaires financières (corruption, blanchiment d’argent, prise illégale d’intérêts) qui impactent le budget de l’Union. Or, les usurpations de fonctions, de titre ou de nom, sont des crimes et des délits contre la foi publique inscrits au Code pénal. A l’identique de la destruction de documents (SMS), ce ne sont pas des infractions financières.

Si l’EPPO récupère l’affaire, cela signifie donc que Frédéric Baldan et les autres plaignants (les Etats membres) ne pourront plus être parties et victimes, puisque la seule victime (financière) serait l’Union européenne. Cela met de facto Ursula von der Leyen à l’abri d’une levée d’immunité.

Très étonnamment, ce développement intervient à un moment-clé dans l’agenda politique, puisque la présidente de la Commission européenne se présente comme candidate à sa propre réélection.

Rappelons qu’en juillet 2022, Emily O'Reilly, le médiateur européen appelait les médias à cesser de se taire sur les agissements de Von der Leyen : « la nature et l'ampleur des cas de mauvaise administration que j’ai découverts [au sein de l'UE] nécessitent un débat public plus large ». Et de préciser : « La gestion de cette affaire par la Commission de l’Union européenne laisse une impression regrettable d’une institution européenne qui n’est pas ouverte sur des questions d’intérêts publics hautement stratégiques »

Lisez aussi nos autres articles sur ce dossier (5 volets)