Punir deux fois ?

Les images produites dans #Investigation proviennent du commissariat Démosthène, le principal commissariat d’Anderlecht. Les faits se sont déroulés le 31 mai 2020. Soit quelques semaines avant l’entrée en fonction de l’actuel chef de corps de la zone de Police de Bruxelles/Midi (qui regroupe environ 1000 agents répartis sur les communes de Saint-Gilles, Forest et Anderlecht), Jurgen De Landsheer. Selon le communiqué publié par Mariam El Hamidine (Ecolo), Jean Spinete (PS) et Fabrice Cumps (PS), ils ont été signalés le jour même et sanctionnés lourdement. Le policier a été changé de service et a subi une « rétrogradation dans l’échelle de traitement ». Bien qu’ils aient été mis au courant, les bourgmestres estiment, en revanche, que les images « n’ont pas été portées à la connaissance du Collège ». C’est après les avoir découvertes sur la RTBF qu’ils estiment désormais que le policier concerné « n’a plus sa place au sein du corps de police de la zone Midi ».

« Je ne peux pas imaginer que ces bourgmestres, qui composent ensemble le collège police n’ont pas, avant de prononcer leur décision de rétrogradation, analysé tous les éléments pour le faire, en septembre 2020. Je ne doute pas non plus que le Tribunal Correctionnel de Bruxelles, avant de prononcer son jugement le 31/10/2022 retenant la suspension du prononcé contre l’accusé, a également analysé tous les éléments du dossier. Je rappelle simplement que cette ‘suspension du prononcé’ est une déclaration de culpabilité évitant le déclassement social et non une sorte de ‘petit acquittement’ comme certains pourraient le croire. Et, je ne note nulle part que le Ministère Public a interjeté appel de ce jugement dans les temps impartis. Donc, les trois bourgmestres voudraient aujourd’hui réouvrir le même dossier et prendre de nouvelles sanctions à l’encontre du policier incriminé ? Étrange conception de l’État de Droit que celle-là ! », s’insurge Thierry Belin, secrétaire du syndicat national du personnel de police (SNPS).

Une démission d’office ?

Le communiqué explique par ailleurs que les bourgmestres et le Chef de Corps sont « favorables à une révision de l’actuelle loi réglant les procédures disciplinaires des agents de police afin de la rendre plus rapide, sûre et simple ». Ils demandent qu’une condamnation pénale entraîne la démission d’office d’un policier. 

« Les collèges de police disposent d’un instrument efficace en matière de discipline au sein de la police », nous explique Thierry Belin. « La procédure disciplinaire est claire, simple et respectueuse de l’État de Droit, des droits de la défense en général et de la présomption d’innocence en particulier. Mais évidemment, en droit, qu’il soit administratif ou pénal, il existe des règles et des délais. Ne pas les respecter mènerait inévitablement à voire des décisions prises par les bourgmestres retoquées par les instances ad-hoc. Ce fut d’ailleurs le cas pour les sanctions prononcées à l’encontre des deux policières dont le reportage de la RTBF fait état. C’est sans doute par oubli ‘involontaire’ que les journalistes ont omis d’en faire état ! »

Au diable l’esprit de corps !

En 2020, le SLFP Police a réalisé un sondage auprès de 4.000 répondants. Plus de 75% des policiers déclaraient avoir été confrontés dans les douze derniers mois à de la violence verbale et au moins à deux délits de violence (menaces ou intimidations). Plus de 38% déclaraient avoir été victimes dans les douze derniers mois de violence physique. En 2021, 10.000 agressions ont eu lieu. Les faits enregistrés pour 2022 sont au nombre de 10.633. En 2023, les agressions contre les forces de l’ordre sont encore en hausse (près de 13.000), mais aussi contre les pompiers et les ambulanciers.

La police a deux patrons : le bourgmestre pour la police administrative et le parquet pour la police judiciaire. Le bourgmestre, chef de la police locale, est responsable de la sécurité sur le territoire de sa commune. Mais, il doit aussi faire corps avec ses effectifs. Quod non ! « De tels propos, tenus par des bourgmestres ne me paraissent pas de nature à restaurer la confiance dans les forces de l’ordre. Ils semblent au contraire dictés par une certaine nervosité pré-électorale et une pression médiatique mal ou difficilement gérée. Or, le ‘panic football’ est toujours mauvais conseiller », souligne Thierry Belin. Cqfd …