On pourrait continuer sur l’hérésie de l’Energiewende que l’Allemagne a réussi à imposer comme le modèle à suivre en Europe, alors qu’après avoir dépensé 500 Milliards d’Euros en subsides aux renouvelables, la réduction en CO2 de la production électrique en Allemagne est quasi nulle car le charbon et le gaz ont remplacé le nucléaire sacrifié sur l’autel des petits arrangements politiciens.

On pourrait poursuivre sur la poussée européenne verte dogmatique, à grand renfort de cibles toujours croissantes et de subsides, des énergies renouvelables intermittentes devant recourir à plus de gaz pour compenser leurs limites, les autres moyens tel le stockage massif étant à ce jour et pour longtemps encore un mythe. 

Et pour terminer avec un cas belge : la loi Deleuze de sortie du nucléaire de 2003 est un cas d’école de médiocrité porté par les verts et ensuite conservé par de petits arrangements politiciens qui ont perdurés jusqu’à aujourd’hui. On en voit le résultat et on en sentira les effets très bientôt, même si cette loi est abolie dans les mois qui viennent.

Cette mise en perspective me sert ici à donner un cadre au point que je veux faire ici. Dans un article récent (le VIF du 5 janvier page 27), on fustige la Ministre régionale flamande de l’énergie Zuhal Demir, citant certains autres politiques, pour avoir osé évoquer une collaboration potentielle entre la Flandre et les Pays-Bas concernant des nouvelles centrales nucléaires que ceux-ci ont l’intention de construire. 

Il est bien clair que la compétence nucléaire (et d’ailleurs aussi éolienne en mer) est fédérale et non régionale. Il est donc vrai que quand il s’agit de la politique nucléaire relative à des installations sur le territoire belge, c’est le niveau fédéral qui est responsable, entre autres dans le cas présent la Ministre fédérale Groen, dogmatiquement accrochée à la sortie du nucléaire, avec ses alter ego Ecolo du côté francophone. 

Mais pourquoi voir quelque chose de négatif dans la démarche de la Ministre Demir, à moins de jouer comme d’habitude aux petits jeux politiciens. Elle se préoccupe en effet du futur énergétique de la Flandre, c’est dans son portefeuille de responsabilités. Elle et son parti sont convaincus, à juste titre à mon sens (et aussi à celui de la majorité des citoyens consommateurs/payeurs au vu des derniers sondages), que l’électricité d’origine nucléaire doit être une composante importante du mix énergétique en Flandre. Elle prend donc ses responsabilités à bras le corps, dans un cadre fédéral de loi de sortie du nucléaire toujours d’active à ce jour, en investiguant le potentiel de coopération avec les Néerlandais pour une centrale sur leur territoire. Ceux-ci envisagent en effet sérieusement la construction d’une nouvelle centrale nucléaire à Borssele, juste de l’autre côté de l’Escaut en face de Doel, sur le site où fonctionne déjà une centrale nucléaire de même type et de même puissance qu’un des réacteurs de Doel 1 ou 2. Soit dit en passant, cette centrale de Borssele est en opération longue durée jusque 60 ans, en 2033, et la question d’aller au-delà commence à être posée. 

Il est légitime que la Ministre flamande de l’énergie se préoccupe, avec une vision à long terme, de la fourniture en électricité décarbonée, fiable et économique de sa Région. Le fait qu’elle n’ait pas la « compétence fédérale » nucléaire n’est pas la question puisqu’il s’agit ici d’un potentiel de coopération pour fourniture d’électricité venant d’un pays voisin, au bénéfice de sa Région, de ses citoyens et de son industrie (dont le port d’Anvers). Il faut donc applaudir cette initiative.

A l’inverse, et sans rentrer ici dans les détails, on ne peut que pleurer sur le désastre que nous ont concocté le Premier Ministre De Croo et sa Ministre fédérale verte de l’énergie Van der Straeten. A ce jour deux réacteurs nucléaires (Doel 3 et Tihange 2) sont arrêtés définitivement alors qu’il n’y aucune raison technique le justifiant. Et trois autres (Doel 1 et 2, Tihange 1) sont prévus d’être arrêtés en 2025.  Il restera alors (grâce à Poutine), 2 réacteurs (Doel 4 et Tihange 3) en opération pour 10 ans. En 2022, 50% de l’électricité produite en Belgique était d’origine nucléaire. Faites le calcul de ce qui restera… mais on construira des centrales à gaz… vertes ? 

Si ce n’était si lamentable, c’est d’eux qu’il faudrait se moquer au lieu de fustiger la Ministre Demir qui fait son boulot en se préoccupant du bien-être des citoyens dont elle a la charge. 

Marc Deffrennes

Marc Deffrennes est un ingénieur qui a travaillé toute sa vie dans la politique nucléaire d’abord à la Commission européenne et ensuite à l’OCDE