Un procès équitable Vs une arène politique

Une des premières stratégies que les suspects terroristes adoptent systématiquement lors d'un procès d’assises consiste à se poser en martyrs injustement traités par le pouvoir judiciaire. Ainsi, les accusés se plaignent systématiquement de leurs conditions carcérales ou des fouilles au corps à répétition, jugées inhumaines ou dégradantes. Ils dénoncent aussi leur détention « pire que des chiens », pour reprendre les propos tenus par Salah Abdeslam, en isolement, dans des quartiers dits de haute sécurité ou encore,  le manque de soins de santé en prison. De la même manière, dès les premiers jours d’audience - emmurés dans leur mutisme ou refusant de comparaître - ils s’activent à ne pas reconnaître leur procès comme équitable, laissant même sous-entendre que l’Etat qui les juge leur dénie le droit à la présomption d’innocence. Il faut le dire vite ! Ces comportements cumulés visent purement et simplement à détourner le regard des faits pour utiliser le procès comme tribune de propagande radicale. Et à nous faire oublier, surtout, que chacun d’entre nous a « le droit d’emmerder Dieu » !

Prendre le risque d’emmerder Dieu

Flash-back. Fait extrêmement rare, l’avocat de Charlie Hebdo, Richard Malka aujourd’hui sous protection judiciaire, publiera, en 2021, sa plaidoirie prononcée le 4 décembre 2020 devant la Cour d’assise de Paris spécialement composée pour juger les auteurs des attaques de Charlie Hebdo, Montrouge et de l'Hyper Cacher.

Extrait : « (…) Oui, il faut prendre des risques pour essayer de faire en sorte que nos enfants ne vivent pas dans le monde des Kouachi, des Coulibaly et des Imran Khan. La liberté de critique des idées et des croyances, c’est le verrou qui garde en cage le monstre du totalitarisme. Ce qui souille l’humanité, ce qui insulte Dieu s’il existe, ce ne sont pas nos caricatures, c’est le meurtre d’innocents, ce sont les propos de comptoir du pape, ce sont les délires paranoïaques d’un premier ministre pakistanais, c’est l’absence de doute qui caractérise le fanatisme, c’est ce puissant venin pour l’esprit qu’est l’idéologie victimaire, celle du fameux deux poids, deux mesures, ou de l’accusation d’ islamophobie, là où, en réalité, le droit s’applique de la même manière pour tous. Ce poison-là configure les esprits dans le rejet de l’Autre et la violence. Ce qui souille l’humanité, c’est la bêtise de ces tribunes, de ces articles, de ces prises de parole expliquant qu’il serait responsable d’abandonner les caricatures de l’islam pour en faire une religion d’exception (…) »

L’auteur nous donne également à réfléchir sur la place médiatique accordée à la critique des religions. Il exhorte ses semblables à ne pas renoncer, pour se préserver libre et éclairé, à l'esprit critique et épingle au passage tous les responsables politiques qui ont refusé d'apporter leur soutien au journal satirique au moment des faits.

Pour un retour des « Lumières »

Pour Richard Malka, l'affaire des caricatures dépasse de loin le massacre commis par les frères Kouachi à Charlie Hebdo. Avec un prisme en lecture plus large, l’auteur estime que ce drame nous en dit long sur le modèle de société que nous envisageons pour notre avenir collectif. Du siècle des Lumières à une Europe de l’obscurantisme, l’antihumanisme théocratique est aujourd’hui partout.

Voilà ce qui se joue aujourd’hui et ce que nous devrions retenir des attentats de Paris et de Bruxelles ! Car depuis lors, nous avons cédé aux injonctions des islamistes. « À nous de rire, de dessiner, de jouir de nos libertés, de vivre la tête haute face à des fanatiques qui voudraient nous imposer leur monde de névroses et de frustrations, en coproduction avec des universitaires gavés de communautarisme anglo-saxon et d’intellectuels héritiers de ceux qui ont soutenu parmi les pires dictateurs du XXe siècle, de Staline à Pol Pot. Il n’est pas normal qu’il soit plus risqué d’emmerder Dieu aujourd’hui qu’il y a dix ou vingt ans ».

Dans un livre de moins de cent pages, mais cent pages indispensables, cruciales et fortes, Richard Malka nous invite à refuser toute forme de compromission. Tout y est, dans ce texte, de nos libertés menacées aux renoncements successifs auxquels certains voudraient nous mener (NDLR : surtout à gauche de l’échiquier politique), persuadés qu’il faudrait ménager certaines « susceptibilités offensées » pour avoir la certitude de la paix. 

Bien au contraire, il faut remettre l’islam à la même place qu’occupe l’Église catholique aujourd’hui. Et il faut y parvenir maintenant. Ce n’est pas en abandonnant nos libertés aux extrémistes de tous bords que l’on résoudra quoique ce soit. Ce serait nourrir le crocodile qui veut nous dévorer. Nous avons le droit d’emmerder Dieu et il n’a besoin ni d’assassins ni d’hypocrites pour se défendre. Nous avons le droit de dire, d’écrire, de dessiner, de publier, de penser, de critiquer, de jouir de toutes nos libertés et … de ne pas croire en Dieu, aussi ! Plus qu’une plaidoirie, Richard Malka nous offre définitivement l’éloge d’une vie libre et éclairée. 

C’est très certainement la véritable leçon à tirer des récents procès pour terrorisme qui se sont joués en France et en Belgique…