Avec des réacteurs nucléaires à cycle fermé de génération IV (GEN IV), il est possible d’apporter des solutions à la question du traitement des déchets tout en assurant un approvisionnement en combustible pour des milliers d’années. L’énergie libérée dans la fission nucléaire (réaction au niveau du noyau atomique) est des millions de fois plus élevée que celle des énergies fossiles. Les quantités de combustible primaire utiles et de résidus sont au moins un million de fois plus faibles que dans une centrale thermique à combustible fossile. La potentialité de l’énergie nucléaire est énorme ; 0,5 mg d’uranium (235) est équivalent à 1,5 kg de charbon, et 1 g de matière fissile peut produire 24 000 kWh. Comparée au pari de la fusion nucléaire, l’utilisation de l’énergie nucléaire de fission à la production d’énergie électrique fiable et respectueuse du climat reste une option réaliste prometteuse.

Pour beaucoup de citoyens, les mots accidents et déchets associés au mot nucléaire suscitent une inquiétude légitime à laquelle il faut apporter des réponses rationnelles. Les installations nucléaires sont régulièrement contrôlées et soumises à des normes de sécurité très strictes. Les déchets nucléaires, en particulier, sont conditionnés et stockés sélectivement avec un maximum de contrôles et de sécurité. 

Les déchets nucléaires sont classés en 3 catégories selon leur niveau d’activité (type de rayonnement) et leur teneur en éléments à vie longue. 

  • (A) : 80 % (laboratoires, hôpitaux, industries, etc.) ont une activité faible à moyenne et une durée de vie inférieure à 30 ans. 
  • (B) : 15 % (éléments de structures, gaines, démantèlement, produits de fission, etc.) ont une durée de vie de milliers d’années mais il s’agit d’une activité faible et moyenne.
  • (C) : 5 % des déchets nucléaires sont à haute activité et/ou durée de vie de milliers d’années. Il s’agit des produits résiduels de la fission dont 0,2 % concentre 98 % de la radioactivité totale.

Un réacteur nucléaire dont le combustible est le minerai d’uranium enrichi à 3-5 % en d’uranium (235), produit des déchets contenant 75 à 95 % d’uranium (238) fertile, 1 % de plutonium, 4 % de produits de fission avec en faible quantité d’atomes appelés actinides mineurs. Seuls ces 4 % sont des déchets, car dépourvus de valeur énergétique.

Les éléments valorisables (uranium et plutonium) sont récupérés à 99,5 % (France, GB, Russie et Japon). Retraités en un oxyde mixte (MOX), ils sont utilisés comme combustibles dans les réacteurs de type actuel. Ce que l’on qualifie des déchets sont, pour la plus grande partie, des résidus de combustion (RC) susceptibles d’être recyclés après retraitement et reconditionnement (usine de Marcoule en France, Dessel en Belgique, en démantèlement depuis 2009, par décision politique). Dans l’attente d’une option à long terme pour les RC ultimes, ces derniers sont vitrifiés (incorporés à du verre) avant refroidissement (perte d’activité), stockés en piscine (perte de radioactivité des éléments de courte durée de vie) et mis dans des enceintes d’acier enfermées dans un puits en béton. 

Après refroidissement en stockage provisoire, deux options peuvent être envisagées pour les résidus ultimes : soit le retraitement en combustible pour des réacteurs de génération III et IV, soit l’enfouissement en couches géologiques profondes et jugées stables au terme de cent mille ans.

Les réacteurs à neutrons rapides pourront recycler une part des RC et opérer la transmutation de certains actinides. Des traitements comme ceux étudiés avec MYRRHA au centre nucléaire de Mol sont prometteurs dans ce domaine ; la Belgique est pionnière en la matière. En retraitant les RC, on préserve un approvisionnement en combustible, on réduit la radioactivité et l’on évite le stockage des actinides, dont le plutonium.

Sans retraitement, une autre option est celle de l’enfouissement ou stockage en couches géologiques profondes. Cette option est à l’étude en France, en Belgique (laboratoire HADES de Mol, -225 m, argile de Boom), en Finlande et en Suède. Ces derniers sont les pays les plus avancés dans cette option, des efforts considérables ayant été faits dans l’information auprès de la population ; mêmes leurs mouvements écologistes ont été convaincus !

Depuis 2011, une directive européenne oblige les états à établir un inventaire et à avoir un programme de traitement de leurs déchets nucléaires. Chaque état doit définir sa politique. Des solutions existent aujourd’hui et pour demain avec un impact minimal sur l’environnement. Dans ces perspectives du traitement des déchets nucléaires, les avancées sont significatives, reste une part de technologie, mais aussi de décision politique et économique.

Une solution réaliste de l’équation énergétique est sans doute en faveur d’un bouquet énergétique énergies renouvelables et énergie nucléaire, de choix et proportions variables d’un pays à l’autre et dans le temps en raison des avancées en R&D. Le financement ainsi que les travaux de construction avant exploitation de ces sources d’énergie sont importants sur de nombreuses années.

L’énergie nucléaire est une énergie fiable, n’émettant pas de CO2 et les R&D semblent prometteurs dans la gestion des déchets ultimes et dans l’utilisation des déchets de haute activité et longue durée de vie comme combustibles des réacteurs actuels et futurs de générations GIII et GIV. Il reste comme dans toute avancée technologique à en mesurer les avantages et désavantages en relation avec les contraintes financières, économiques et sociétales.

Ch. Leclercq-Willain

Professeure ordinaire honoraire - Physique Nucléaire Théorique et Mathématique - Université Libre de Bruxelles