Le Tribunal Belmarsh - mis en place pour défendre les intérêts menacés de Julian Assange - s’inspire du Tribunal Russell, également connu sous le nom de Tribunal international des crimes de guerre ou Tribunal Russell-Sartre, un tribunal d'opinion fondé en 1966, par Bertrand Russell et Jean-Paul Sartre pour dénoncer la politique des États-Unis dans le contexte de la guerre du Vietnam. 

Des avocats, des journalistes, des lanceurs d'alerte et des défenseurs des droits de l'homme demandent que justice soit faite et exige que l'administration Biden mette un terme aux poursuites à l’encontre de Julian Assange. Depuis son lancement en 2020, les activistes ont organisé cinq Tribunaux Belmarsh : dans un tribunal virtuel (2020), à Church House à Westminster (2021), au People's Forum à New York (2022) et au National Press Club à Washington DC (2023). La réunion du Tribunal à Sydney, le 4 mars dernier, ajoute une voix australienne unique à la demande mondiale de libération d’Assange. « À la veille du vingtième anniversaire de l'invasion de l'Irak et de la prochaine visite du Premier ministre Anthony Albanese aux États-Unis, il n'y a jamais eu de moment plus important pour faire entendre notre voix dans l'union. Julian Assange a passé près de quatre ans dans la prison de haute sécurité du Royaume-Uni. Il doit maintenant être libéré », affirme ses défenseurs ».

Rétroactes

Réclamé depuis plus de dix ans par Washington, l’Australien se trouve sur le sol britannique, où il a passé plus de sept ans reclus dans l’ambassade d’Equateur à Londres, avant d’être arrêté en 2019.  Il est depuis incarcéré au centre de Belmarsh, dans l’arrière-pays du sud-est de Londres. Son état de santé physique et mental est préoccupant. Cette prison de haute sécurité est considérée comme le Guantanamo de la Grande-Bretagne pour ses conditions extrêmes de détention. Julian Assange se trouve sous le coup de poursuites lancées sous la présidence de Donald Trump pour avoir publié des centaines de documents classés secret défense, comme des informations sur des activités bancaires illégales, la bible secrète de la scientologie ou encore les 570.000 interceptions de messages envoyés lors des attentats du 11 septembre. La justice américaine l'accuse de piratage informatique et l'inculpe d’une quinzaine de chefs d’accusation en vertu de lois anti-espionnage. 

Une icône de la transparence

Fondée en 2006, WikiLeaks est à l’origine des principaux scoops de ces quinze dernières années. L’organisation a également profondément influencé les médias en popularisant de nouveaux modes d’utilisation et de protection des sources. Mais, WikiLeaks n’a pas été le premier site de leaks. Dès 1996, soit dix ans avant le lancement officiel du projet, son ancêtre Cryptome.org mettait déjà à la disposition du public des documents confidentiels tout en préservant l’anonymat de leurs sources.

Là où l’Australien, déjà célèbre dans le milieu des hackers pour ses exploits techniques, affinera le concept c’est qu’il développera, avec WikiLeaks, un vrai projet politique global de transparence basé sur l’idée selon laquelle la libre circulation des informations est le meilleur moyen de garantir une démocratie équilibrée et non confisquée par les plus puissants. Il imaginera ainsi une organisation fonctionnant comme un organe de presse dont la spécialité serait de récupérer des documents confidentiels via une plateforme assurant la protection des sources, tout en assurant leur diffusion auprès du grand public. Dans une note publiée le 31 décembre 2006 sur cryptome.org, Julian Assange explique ainsi : « Dans un monde où les fuites sont faciles, les systèmes secrets ou injustes sont frappés de manière non linéaire par rapport aux systèmes justes et ouverts. Étant donné que les systèmes injustes, du fait de leur nature, suscitent des opposants, et qu’à de nombreux endroits, ils ont à peine l’avantage, les fuites massives les rendent extrêmement vulnérables à ceux qui cherchent à les remplacer par des formes de gouvernance plus ouvertes ».

Un avant et un après WikiLeaks

L’année 2010 est celle où Julian Assange et son équipe entrent définitivement dans l’histoire de la liberté de la presse en publiant plusieurs séries de révélations sur l’armée américaine étayées par les centaines de milliers de documents fournis par Chelsea Manning. Le document le plus emblématique de cette série de leaks est sans aucun doute la vidéo « Collateral Murder », mise en ligne le 5 avril 2010. Les images, tournées le 12 juillet 2007 par la caméra embarquée d’un hélicoptère de l’armée américaine en Irak, sont dévastatrices pour celle-ci. Alors que l’appareil survole un quartier de Bagdad, l’équipage repère un groupe de personnes et ouvre le feu à plusieurs reprises sur elles, tuant entre douze et dix-huit civils, dont deux journalistes, et blessant gravement deux enfants.

Pour publier la masse considérable de documents en sa possession, WikiLeaks noue des partenariats avec plusieurs grands journaux, dont The Guardian, The New York Times et Der Spiegel, et démontre rapidement qu’avec internet, un seul homme peut changer le monde. L’organisation ouvre dans la foulée la boîte à Pandore des lanceurs d’alerte. Edward Snowden contre les Etats-Unis, Antoine Deltour contre le gouvernement luxembourgeois, Bennet Omalu contre le lobby du football américain, tous dénoncent dans la foulée des dysfonctionnements.

Quels changements pour les journalistes ?

WikiLeaks a exercé une influence incontestable sur les pratiques journalistiques, en mettant en lumière les problématiques de protection des sources, de sécurisation des communications et d’authentification des documents. L’organisation a participé au développement du datajournalisme, le journalisme de données. C’est aussi la première fois qu’autant de journalistes de différentes nationalités ont commencé à travailler dans la confidentialité et ensemble sur des sujets sensibles pour les dévoiler au grand public en même temps. WikiLeaks a ainsi permis l'avènement d'un journalisme sans frontières impensé auparavant. Son modèle a depuis été copié par d’autres plateformes comme GlobaLeaks, Offshore Leaks ou OpenLeaks, ainsi que par de nombreux médias ayant développé leurs propres plateformes de dépôt sécurisé de documents.