Des infanticides dits « salvateur »

Infanticide « salvateur », c’est ainsi que la littérature psychiatrique désigne ces meurtres d’enfants, en général suivi d’un suicide. Quand l’existence devient insupportable, se donner la mort est vu comme l’ultime solution pour échapper et faire échapper les siens à un monde que la personne perçoit comme hostile. Aussi surprenant que cela puisse paraitre, ces actes sont dits « généreux » dans le chef du parent infanticide, qui pense agir pour le « bien » de sa progéniture. Ces homicides-suicides, qui surviennent cinq à six fois par an selon les statistiques, sont en réalité pathologique. Ils peuvent être masculins comme féminins et concernent le plus souvent des individus « mélancoliques », au sens psychiatrique du terme, une mélancolie associée à un état dépressif grave, mais aussi, dans certains cas, à un délire paranoïaque, une schizophrénie, une psychose ou des syndromes délirants. 

Un type d'homicide-suicide

Parmi les suicides altruistes, on distingue les homicides-suicides familiaux et les filicides-suicides tel que celui opéré par Geneviève Lhermitte. Lors de l’enquête, dans une audition datée du 31 mai 2007, la prévenue déclarera aux enquêteurs : « (…) vous me demandez comment je me sens aujourd’hui et je vous réponds que j’ai un mal de vivre quotidien. Je vis avec une énorme douleur de culpabilité. J’ai bien conscience que j’ai bien massacré mes enfants. Je me culpabilise également d’avoir raté mon suicide, d’être toujours vivante. Tous les jours, je fais un effort pour continuer à vivre, je survis (…) » 

Geneviève Lhermitte a-t-elle aimé au point de « perdre la raison » ? Durant son procès, les experts Gueibe, Bongaerts et Meire seront unanimes quant à la personnalité de celle qui avait confié, des années durant, son mal-être à un psychiatre, le docteur Derik Veldekens : « (…) nous pensons qu’au moment des faits, l’inculpée vit subjectivement cet acte comme une sorte de suicide de l’ensemble qu’elle forme avec ses enfants (…) »

Un état de damnation

En avril 2019, Le tribunal de l’application des peines de Bruxelles (TAP) avait accordé à Geneviève Lhermitte, sous régime de suivi strict, une libération conditionnelle. En mai 2019, elle quittera la prison de Berkendael pour être transférée au centre psychiatrique Saint-Bernard, à Manage. En décembre 2020, elle intègrera ensuite un lieu d’accueil plus ouvert venant en aide aux adultes en difficultés psychiques. En 2021, elle tentera de mettre fin à ses jours au moyen d’un couteau, en l’absence des autres pensionnaire, ce qui la reconduira dans un service psychiatrique. Geneviève Lhermitte vivait très certainement depuis 16 ans dans un état de damnation, un sentiment d’être déjà morte, ce pourquoi l’euthanasie, strictement encadrée en Belgique, lui a sans doute été accordée.