Nathalie Ranaan (59 ans) et Judith, sa fille de 17 ans, deux otages israélo-américaines, ont été libérées vendredi 20 octobre. Elles avaient été enlevées à Nahal Oz, lors de l'attaque éclaire menée par le Hamas le 7 octobre dernier. Les Brigades Ezzedine Al-Qassam, sa branche armée, ont expliqué la libération des deux otages grâce à « une médiation du Qatar ». C’est donc auréolé de succès que Tamim ben Hamad Al Thani, l’émir du Qatar, est arrivé au sommet de la paix organisé samedi 21 octobre au Caire (Égypte). Le pays discute aujourd’hui « avec tout le monde », les États-Unis, la France, l’Allemagne, mais aussi le Hamas, dont les chefs sont hébergés à Doha. 

Une position grand écart

Le Qatar alimente une position stratégique entre les deux camps. Il y abrite à la fois, depuis 2012, le bureau politique du Hamas, mais aussi le commandement militaire régional américain, le CentCom. Si la monarchie est un allié de Washington et a annoncé dès le 9 octobre mener des discussions avec le Hamas pour négocier la libération des otages, elle considère aussi l’État hébreu comme « seul responsable » de l’escalade de la violence. Le Qatar finance aussi le budget de la bande de Gaza, administré par le Hamas, à hauteur de 30 millions de dollars par mois, sans compter des millions déversés de manière plus « discrète » via des valises d’argent liquide acheminées par des « ambassadeurs ». Si cette position bipolaire, qui frôle parfois le grand écart en termes de légitimité, apporte de la « brillance », comme un symbole de « modernité » au Moyen-Orient, c’est un peu vite faire fi de l’Histoire.

Un ADN islamo-frériste

Le Hamas a été créé en 1987 par le cheikh Ahmed Yassin, Abdel Aziz al-Rantissi et Mohammed Taha, tous trois issus de l'organisation islamique des Frères musulmans. Entre le Qatar et le groupe terroriste les liens sont donc d’abord historiquement religieux. Avant même la « cause palestinienne », le Qatar défend un ADN islamo-frériste et laisse « dire » et « faire » depuis toujours. 

Ismaël Haniyeh et Khaled Mechaal, les deux grands leaders du Hamas, ont récemment fait des déclarations enjoignant à continuer le Jihad contre les Israéliens. Lorsque l’on accueille des terroristes invitant les musulmans du monde entier à aller se sacrifier et mourir en martyr contre des Juifs en Israël, on est responsable du financement de ce mouvement islamiste. Or, au niveau diplomatique, le Qatar a toujours refusé de qualifier le Hamas d’organisation terroriste.

La puissance gazière de l’argent

Sur la scène internationale, l’arme du Qatar n’est pas l’armée, mais la finance. Et cette arme est puissante : le Qatar dispose du sixième revenu par habitant le plus élevé au monde. Fort de sa richesse gazière, il veut donc se poser comme un acteur incontournable qui traite avec tout le « Monde » et surtout avec l’Europe qui cherche à remplacer le « méchant » gaz russe, entre autres, par le « gentil » gaz qatari. Mais c’est un pari risqué, celui des mafieux : ils viennent vous protéger si vous leur donnez une rançon… pour vous protéger contre eux-mêmes.

Parmi tous ces apprentis-sorciers - Moyen-Orient, Etats-Unis, Occident - le plus coupable finalement n’est peut-être pas celui qui étale son apparente générosité, soit le « banquier ». S’offrir les services d’un « médiateur » douteux, tout en masquant ses manipulations par intérêts géopolitiques pluriels, nous rendra tout aussi complices, voire coupables d’un crime : avoir aussi indirectement servi à alimenter l’armement du Hamas dans la poursuite de son fanatisme meurtrier.