Une des décisions marquantes de Joe Biden reste la nomination certes attendue, mais symbolique de Kamala Harris au poste de vice-présidente. Née en 1964 en Californie, Kamala Harris est fille d'immigrants : son père est un économiste originaire de la Jamaïque, sa mère, biologiste indienne. Figure politique multiculturelle, Kamala Harris est la première femme noire procureure de San Francisco en 2004, puis procureure générale de Californie en 2011. Elle est aussi la première femme issue de l'immigration d'Asie du Sud-Est à entrer au Sénat, et la deuxième sénatrice noire dans l'histoire des États-Unis.

Une absence d’engagement

Comme Barack Obama, elle transcende les clivages de race et de classe. Kamala Harris, modeste procureure adjointe à Oakland, doit la rapidité de son ascension à la liaison nouée en 1994 avec Willie Brown, flamboyante figure de l’Assemblée de Californie, de 31 ans son aîné, qui lui ouvre les portes de la bonne société. A 40 ans, elle réussit à se faire élire procureure de la ville, puis de l’Etat de Californie. La suite est connue. Joe Biden la choisit comme colistière aux dernières élections présidentielles américaines.  Depuis deux ans, la vice-présidente américaine fait cependant l’objet d’un désamour inexplicable. Son sourire paraît souvent un peu forcé, comme pour adoucir sa réputation de « boss » autoritaire. Au-delà de la « success story », le documentaire de Marjolaine Grappe et David Thomson n’éclaire pas l’énigme Kamala.

Bien sûr, elle est tributaire de la malédiction qui s’attache à la fonction de vice-président aux Etats-Unis, soit n’être « rien » mais potentiellement « tout ». L’enquête menée par les deux journalistes est toutefois beaucoup moins approfondie sur le bilan actuel de Kamala Harris. Pour les féministes américaines, elle représente certes « une avancée, mais pas une victoire ». Même si elle est soutenue par la communauté afro-américaine, elle ne réconcilie pas non plus sur la question du racisme systémique, hérité de siècles d’esclavage.

Un choix purement stratégique ?

Pour Douglas MacKinnon, « certains démocrates et partisans de Harris le nieront avec véhémence, mais elle n'a jamais suscité une grande confiance en tant que candidate politique auprès de nombreux électeurs démocrates. Lors de la campagne des primaires de 2020, elle a été la première candidate démocrate à se retirer. Depuis qu'elle est devenue vice-présidente, Harris est dans une hémorragie personnelle. Il n semble difficile de travailler pour elle. Et en ce qui concerne la politique, elle a été accusée d'être absente de l'action sur la principale tâche que Biden lui a assignée dès le début, soit  superviser la crise de l'immigration à la frontière sud ».

Et de préciser : « dans l'hypothèse, certes improbable, où Biden céderait effectivement le bureau ovale à la vice-présidente Kamala Harris, cela augmenterait-il les chances du parti démocrate de conserver la Maison-Blanche lors des élections de 2024 ? » La réponse est, selon lui, que cela dépendra davantage du choix de Harris comme colistier que de ses propres qualités, en raison des faiblesses qu'elle a montrées jusqu'à présent. 

Source : Douglas MacKinnon est consultant en politique et en communication. Il a été rédacteur à la Maison Blanche pour les présidents Ronald Reagan et George H.W. Bush, et ancien assistant spécial pour la politique et les communications au Pentagone pendant les trois dernières années de l'administration Bush.