Une diplomatie bien huilée

Après une longue période d’éclipse due à la conjonction de pressions coloniales externes (européenne puis japonaise) et de dislocations internes (famines, catastrophes naturelles, révoltes), puis une période de quasi-autarcie sous Mao Zedong entre 1949 et 1976, Pékin s’est emparé de la mondialisation pour retrouver sa place dans le monde grâce à l’État développeur. Depuis l'avènement de Xi Jinping en 2012, la politique étrangère chinoise s'est radicalement transformée. Le président chinois a mis en place une diplomatie plus agressive, connue sous le nom de « diplomatie du loup guerrier ». L’objectif de cette stratégie ? : protéger les intérêts chinois dans le monde et prendre le lead sur la scène internationale. La Chine est depuis au cœur d'une machine économique et financière qui lui donne une influence mondiale inédite, l’autorisant à traiter d’égal à égal avec Washington. Intelligente, la puissance asiatique utilise nos défauts et nos faiblesses pour étendre son empire.

Des objectifs économiques précis

La Chine fait la promotion de son agenda économique autour du projet One Belt One Road (NDLR : les « nouvelles routes de la soie » sont inscrites dans la charte du Parti communiste chinois depuis octobre 2017), lequel cible clairement les européens. The Belt and Road Initiative (BRI) se compose d’une part d’une route terrestre qui doit relier les grandes villes de l’intérieur chinois comme Xi’an et Chongqing à l’Europe à travers l’Asie centrale, le Moyen-Orient et la Russie. Et d’autre part d’une route maritime de la soie qui part des grands ports chinois, tel que Fuzhou pour passer par le Sri Lanka, l’Océan Indien, fait un détour notable par l’Afrique de l’Est, franchit le canal de Suez et arrive enfin aux ports d’Athènes et Venise.

Avec 450 millions de consommateurs potentiels, les 27 Etats-membres représentent une situation unique au monde et le marché le plus important pour la Chine. L’Europe est, en outre, une terre d’accueil majeure pour les investissements directs à l’étranger (IDE) des Chinois. En 2021, l’Europe a vu les investissements chinois sur son territoire augmenter de 17% pour atteindre 8,4 milliards de dollars. L'Asie et l'Amérique du Nord sont arrivées respectivement en 2ème et 3ème position avec 5,4 milliards de dollars et 4,7 milliards de dollars (soit une baisse de 39% sur le continent Nord-Américain, dans un contexte plus global d'accroissement des tensions entre Washington et Pékin). 

De la flatterie et des investissements

Depuis le début de la pandémie, la Chine accélère le mouvement et intensifie sa campagne de charme. Le gouvernement chinois ne présente pas la Belt and Road Initiative comme une tentative d’accroître sa pénétration des marchés étrangers, mais met en avant la nécessité d’une plus grande « connectivité mutuelle » entre partenaires pour relancer l’économie mondiale. A la différence de l’Occident, la Chine n’accroît pas son influence par les armes en détruisant et s’affaiblissant, mais par l’argent et par la flatterie, c’est-à-dire en achetant ou en donnant l’impression d’« aider », en augmentant ses dons à l’OMS par exemple. Tout ce qui brille semble ainsi « or » et les pays occidentaux sont prêts à renier aveuglément leur capacité de discernement pour s’assurer un traité bilatéral, un accord commercial ou une promesse de soutien, sans prêter la moindre attention aux conséquences à venir. Alibaba en est le dernier exemple criant. Les autorités belges n'ont pas été assez attentives lorsqu'elles ont permis l’installation de son hub européen à l'aéroport de Liège, avec la promesse de création de 900 emplois directs et bien d'autres indirects actuellement non avérés. Paradoxalement, le chiffre d’affaires du géant chinois bat toutes les prédictions des analystes.

En résumé : en affaire, toujours se méfier lorsque l’on vous présente des « cadeaux ». La Chine profite clairement de l’écroulement de l’Occident d’un point de vue social, économique et sécuritaire, sans prendre en compte les dommages collatéraux « mortels » de son outrancière expansion sur la viabilité de nos entreprises et le pouvoir d’achat des consommateurs européens. En attendant, de manière galopante, la carte du monde se redessine à notre insu. Et le déni est anesthésiant. Sommes-nous devenus fous ? Sans un sursaut de clairvoyance, nous serons à tout le moins bientôt pauvres.