Le ski des ânes

Comme chaque année, le Forum économique mondial a suscité la satisfaction des participants, qu’ils soient orateurs ou journalistes. Leur noble tâche accomplie, ils quittent la station, probablement après y être restés un peu plus pour effectuer quelques descentes à ski, avec la conviction d’avoir rendu le monde meilleur. Leur fierté est probablement d’avoir rencontré « les grands de ce monde ». De cette observation, Elon Musk a piqué avec lucidité que le FEM est un « gouvernement mondial non élu que les gens n’ont jamais demandé et dont ils ne veulent pas ». S’ils ne gouvernent pas le monde, ces prétentieux veulent le faire en ignorant la majorité des pays, de la population mondiale, des dirigeants de pays en croissance ».

J’ai dû regarder sur Euronews l’une de leurs réunions en direct, qui n’avait absolument rien d’un débat. Les quatre orateurs, dont deux Premières ministres, ont donné des réponses banales à des questions ordinaires posées par la journaliste. N’importe lequel des lecteurs du PAN aurait pu répondre à ces questions, certainement de manière plus constructive et avec des idées plus originales que ne l’ont fait les non-débatteurs. En fait, ces personnes se réunissent dans une COP des élites pour rabâcher des rengaines qui ne finissent pas devenir des vérités médiatiques, du moins dans l’UE. Dans la série des « asinus asinum fricat », les « Davosiens » se congratulent dans l’espoir d’imposer leurs visions utopiques. Mais on attend toujours des propositions universelles, originales, économiques et pratiques.

Le mantra des Grisons

Lors de la dernière réunion en date dans les Grisons, Fatih Birol, le directeur exécutif de l’Agence internationale de l’énergie, a rencontré Greta Thunberg et trois autres jeunes militantes. Elles lui ont remis une pétition de 870.000 signatures demandant, rien de moins, que la fin de l’exploitation des combustibles fossiles par les multinationales. En d’autres termes, le dirigeant qui est censé analyser la situation énergétique et conseiller les Etats afin qu’ils assurent leur sécurité d’approvisionnement énergétique accorde du crédit à quelques jeunes filles qui lui assènent qu’il faut mettre fin à 81% de l’approvisionnement énergétique mondial. Il n’est guère surprenant que cette agence autrefois respectée, fondée par Henry Kissinger et Étienne Davignon, soit accusée d’avoir perdu toute crédibilité — j’entends cela en off depuis plus de six ans.

Dans l’émission que j’ai mentionnée, le PDG d’Engie, interrogé sur la situation énergétique, a répondu que « nous devons développer les énergies renouvelables ». C’est ce que la Commission européenne s’applique à accomplir depuis un demi-siècle, c’est ce que Thunberg réclame et ce que Birol annonce comme imminent. Sauf que depuis qu’ils le clament, les énergies qu’ils tolèrent ne représentent que 3% de la demande d’énergie primaire. Ils n’ont pas d’autre solution que d’installer plus d’éoliennes et de panneaux solaires photovoltaïques. Rien d’autre ! Parce qu’il n’y a pas d’autre solution. Le changement climatique n’a pas soudainement rendu les ingénieurs intelligents ; c’est même insultant de prétendre que les générations précédentes étaient des idiots.

Davos altermondialiste

Vous souvenez-vous qu’au début de la tenue des FEM, les altermondialistes organisaient des «  contre-Davos », appelés Forum social mondial ? Créée en 2001, cette tribune internationale devait permettre aux ONG sensibles à la cause altermondialiste, via le canal de celles écologistes, de s’opposer aux réunions des capitalistes de Davos. Des mécontents ont même affronté la police suisse dans cette station de ski pour déverser leur haine anticapitaliste. En 2012, les écologistes-altermondialistes avaient installé des igloos pour alerter les capitalistes sur la fonte des glaciers.

Tout cela appartient au passé. Aujourd’hui, ce sont les participants à la tribune de Davos qui crient au désastre. Il n’y a nul besoin d’altermondialistes barbus ou chevelus. Les élites en tailleur ou costume -sans-cravate se déplaçant en jet privé les ont remplacés. Qui a convaincu qui ? Qui est sincère ? Il n’y a pas plus écologistes que les participants de Davos. Leur directeur général, Klaus Schwab, a compris que l’écologisme peut lui rapporter de l’argent, beaucoup d’argent. Cette semaine, une télévision subventionnée a interviewé dans une école un écologiste qui soutient que pour sauver la planète, les enfants ne devraient plus aller en classe de neige. Des enfants (probablement de 7-9 ans) ayant subi un lavage de cerveau ont été interviewés pour prouver qu’ils ont intégré que le ski est mauvais pour le climat. Davos montre que tout le monde ne pense pas ainsi.

Samuel Furfari, Docteur en sciences appliquées et ingénieur, professeur en géopolitique de l'énergie à l'Université libre de Bruxelles (ULB).