Cette étude de plus de 80 pages, la plus complète à ce jour, est le fruit d’un travail réalisé par une commission composée de 20 universitaires internationaux, médecins et chercheurs en histoire et bioéthique. Il s’inscrit dans un projet plus vaste d’étude de l’histoire de la médecine. « Durant son règne de terreur, le régime nazi a commis d’innombrables actes de violence contre les Juifs, les Sintis et les Roms, les personnes handicapées ou atteintes de maladies psychiatriques, les prisonniers politiques, les prisonniers de guerre et bien d’autres. Une caractéristique distinctive et inquiétante de ces atrocités est le rôle important joué par les professionnels de la santé dans la formulation, le soutien et la mise en œuvre de politiques inhumaines et souvent génocidaires », rappelle la Commission sur la médecine, le nazisme et l'Holocauste. 

Un enrôlement scientifique sans précédent

« Les crimes n'ont pas été commis uniquement par des médecins extrémistes ou sous la contrainte », indiquent les auteurs du rapport qui veulent balayer « les idées fausses circulant depuis longtemps pour minimiser la responsabilité de la profession ». En 1945, « 50 à 65% des médecins allemands [non juifs] ont rejoint le parti nazi, une proportion bien plus élevée que dans toute autre profession universitaire », quantifie l’étude. Ceci pourrait s’expliquer par « la promesse » donnée à ces praticiens « de défendre [leurs] intérêts », en évinçant leurs confrères juifs de la profession. L’une des premières « initiatives » antisémites des Nazis fut d’ailleurs « le boycott des entreprises juives, le 1er avril 1933, qui incluait explicitement les cabinets de médecins juifs ». 

Les programmes eugénistes, d’euthanasie et les « expériences humaines brutales » mis en œuvre dans un cadre médical ont fait « au moins 230.000 morts ». Parmi ces personnes : des handicapés, des patients juifs et les déportés. Parmi eux, on recense de « 7.000 à 10.000 enfants ». En outre, 300.000 stérilisations forcées environ ont été pratiquées. 

Un devoir de mémoire 

Ce n’est qu’en comprenant et en réfléchissant sur le passé que nous pouvons pleinement comprendre le présent et façonner un avenir meilleur. Or, il est « surprenant de constater à quel point leurs connaissances [historiques] sont limitées aujourd’hui, hormis peut-être une vague notion des expériences de Josef Mengele à Auschwitz », notent-ils.

« En apprenant comment et pourquoi de telles atrocités ont été commises, les générations de médecins et de professionnels de la santé seront mieux à même de faire face aux dilemmes médicaux moraux et éthiques et à leurs propres préjugés et de protéger les populations et les patients vulnérables », estiment les auteurs du rapport. 

Ce devoir de mémoire doit aussi leur permettre de s'opposer à des directives du pouvoir posant des dilemmes éthiques que ce soit dans le cadre des soins de santé comme dans l’encadrement de la fin de vie. Ce pourquoi, « chaque programme de formation destiné aux professionnels de la santé dans le monde devrait inclure un apprentissage de l’histoire de l’implication médicale dans le nazisme et l’Holocauste ».