Le 4 février 1923, John Haldane, professeur à l’université de Cambridge, prononce devant ses collègues un discours sur l’avenir de la science en Grande-Bretagne, car il veut éviter l’effondrement de l’industrie de son pays dû à la fin annoncée du charbon. Cela vous semble familier ? Il propose de générer de l’électricité à partir d’un réseau d’éoliennes pour produire de l’hydrogène par électrolyse de l’eau avec cette électricité supposée gratuite. Cela vous semble familier ? La première proposition concrète d’une économie basée sur la combinaison des énergies renouvelables et de l’hydrogène remonte donc à un siècle. Haldane était une personne très qualifiée . Il annonçait cependant les difficultés inhérentes à l’industrie de l’hydrogène que les alchimistes modernes refusent encore de reconnaître.

Hydrogène vert ? C’était et cela reste difficile

Haldane suggère le développement de parcs éoliens « avec des rangées d’éoliennes métalliques entraînant des moteurs électriques qui, à leur tour, fourniraient de l’énergie à très haute tension à de grands réseaux électriques ». Comme les écologistes d’aujourd’hui, qui doivent gérer l’excédent d’électricité lorsqu’il y a trop de vent, le professeur de Cambridge cherchait déjà un moyen de stocker l’énergie verte. Il pensait que le stockage pourrait être possible avec des batteries à bas prix « qui nous permettraient de transformer l’énergie éolienne intermittente en électricité continue ». Cela vous semble familier ? L’éminent professeur était bien au courant des progrès de la science. Il savait que sir William Grove avait inventé la pile à combustible en 1838 et a donc pensé à l’utiliser pour produire de l’électricité à partir de l’hydrogène. Cela vous semble familier ?

Haldane était également conscient du défi que représente la densité énergétique de l’hydrogène, qui est énorme à l’état liquide et faible à l’état gazeux. Il a donc pensé à la stocker dans des réservoirs afin de pouvoir l’utiliser sous une forme appropriée. Il savait donc que le stockage et le transport de l’hydrogène étaient difficiles, tant sur le plan technologique qu’économique. Cela vous semble-t-il familier ?

Dix ans plus tard, les nazis pensaient aussi aux éoliennes pour produire de l’hydrogène. Dans son ouvrage « Technologie et économie dans le Troisième Reich », le Dr Franz Lawaczeck analyse et rejette cette solution comme étant irréalisable. Le prix de revient de l’hydrogène était trop élevé pour être compétitif par rapport aux méthodes conventionnelles. Contrairement à aujourd’hui, les Allemands de 1933 ont compris que brûler de l’hydrogène n’avait aucun sens chimique, industriel ou économique. Hier comme aujourd’hui, brûler de l’hydrogène, c’est comme brûler un sac Louis Vuitton pour se chauffer.

Leçon pour le gouvernement belge

Grâce à la prestidigitation verte, le gouvernement belge tente également de jouer à l’alchimie. La ministre de l’énergie Tinne Van der Straeten prétend produire de l’hydrogène vert en Namibie. Pourtant ce pays d’Afrique de l’Ouest produit zéro kilowattheure d’électricité, car il importe son besoin d’Afrique du Sud, un pays qui génère 86 % de son électricité à partir du charbon. Vert ? Et pourtant notre ministre s’apprête à financer la production de cette molécule qui est la base de l’industrie chimique depuis un pays mal électrifié. Ces alchimistes sont aussi des écocolonialistes.

Un anniversaire doit être une occasion festive, surtout pour célébrer un siècle. Il serait cependant bon que les politiciens belges et même leur dirigeant européen - Frans Timmermans - se souviennent qu’il y a un siècle, l’hydrogène produit à partir du vent était… du vent.

Pour un approfondissement sur le sujet : « L’utopie hydrogène », 22 aout 2020, nouvelle édition mise à jour juillet 2022 : https://www.amazon.fr/Lutopie-hydrog%C3%A8ne-Samuel-Furfari/dp/B08GDKGDHL