Il y a quatre ans, les observateurs européens tentaient de comprendre le succès inattendu des Verts aux élections européennes de 2019, annonçant une nouvelle ère de leadership et d'influence de la gauche verte sur le continent. Une pandémie, une guerre et une crise de l'énergie et du coût de la vie plus tard, le paysage a changé. Les opinions des électeurs européens évoluent face à la « crise climatique » et aux politiques qu'elle induit. Les discours se divisent sur la question verte et cette réalité n’est pas sans incidence sur ce qui vient de se produire aux Pays-Bas. Le résultat électoral de Geert Wilders est spectaculaire. Face à la situation critique de l’industrie agricole en proie à des réglementations contraignantes en matière de « changement climatique », les agriculteurs néerlandais ont choisi. Mais, ils ne sont pas les seuls.

Une vague bleue

Selon une étude publiée par Catarina Heeckt et Francesco Ripa, deux chercheurs de la London School of Economics, Is Europe’s green wave turning blue? Making sense of the rightward shift in European cities (La vague verte de l'Europe devient-elle bleue ? Comprendre le virage à droite des villes européennes), en quelques années, les Verts sont passés du statut de parti de centre-gauche porteur d'espoir à celui de parti à problèmes dans de nombreux pays de l'Union européenne.

Au cours de l'année 2022 et particulièrement au cours de cette année écoulée, les partis de droite ont progressé de manière significative dans toute l'Europe. Les nationalistes de droite gouvernent désormais sans partage en Italie et en Hongrie, ont récemment rejoint la coalition gouvernementale en Finlande et soutiennent le gouvernement en Suède. De manière générale, partout sur le continent, les anciens partis marginaux de droite figurent désormais parmi les trois groupes politiques les plus populaires dans près de la moitié des pays de l'UE, dont la France, l'Espagne, l'Allemagne et la Belgique.

Les villes passent aussi à droite

Historiquement, les villes européennes ont toujours penché à gauche de leurs États-nations et il a souvent été question de la divergence politique entre les villes progressistes et leurs arrière-pays plus conservateurs. Ce temps semble révolu, confirme l’étude.

« Nous avons examiné de plus près les données des 162 villes de notre centre de connaissances sur les villes européennes (European Cities Knowledge Hub). Depuis le début de l'année 2023, des élections locales ont eu lieu dans 34 villes. Dans 19 de ces villes, soit le maire a été réélu, soit l'affiliation au parti n'a pas changé. Parmi les villes restantes, onze ont connu un glissement du centre-gauche vers le centre-droit (Berlin, Mannheim, Murcie, Palma, Séville, Valence, Saragosse, Oslo, Bergen, Sandnes et Trondheim), tandis que Barcelone est passée de la gauche au centre-gauche, Darmstadt des verts au centre-gauche et Vilnius des libéraux au centre-droit. Seules les récentes élections locales grecques et bulgares semblent être allées à l'encontre de cette tendance à la droitisation, les maires sortants de centre-droit ayant été battus par des candidats de centre-gauche ou centristes à Athènes, Thessalonique, Sofia et Varna ».

Qu’est -ce qui motive cette aversion verte ? Quelques thèmes récurrents semblent motiver les électeurs dans les urnes. Outre l'accent mis sur l'immigration, la sécurité et la stabilité économique, le rejet des politiques dites « ambitieuses » en matière climatique et de mobilité durable est le dénominateur commun. Exit les mesures visant à interdire les voitures thermiques, à supprimer les places de stationnement, à taxer les bornes de recharges électriques, à réduire les accès aux centres-villes. Sans compter la question de l’approvisionnement énergétique et celle du nucléaire. Manifestement, les électeurs ne veulent plus avancer à coup de restrictions à effet « moulin à vent » qui ne soufflent rien d’économiquement productif de sens en termes de pouvoir d’achat et de libertés individuelles.

Une dynamique anti Verts

Il est intéressant de constater que les Verts sont aussi massivement rejetés hors Union Européenne. Les nouveaux gouvernements de Nouvelle-Zélande et d’Argentine ont promis des approches moins dogmatiques en matière d’environnement. En Nouvelle-Zélande, l’exploration pétrolière et gazière sera à nouveau autorisée et une taxe sur les véhicules utilitaires destinée à donner un avantage commercial aux véhicules électriques sera supprimée, tandis que l’Argentine s’apprête à supprimer son ministère de l’environnement et du développement durable. Au Royaume-Uni, la relance de l'exploration pétrolière et gazière au large des côtes britanniques est en marche et l'interdiction des voitures à moteur thermique a été reportée de cinq ans. Aux Etats-Unis, le paysage est tout aussi clair. Une bonne partie de la population est hostile aux mesures écologiques.

Le 9 juin 2024 prochain, les citoyens belges se rendront aux urnes pour élire leurs représentants au fédéral, à la région et à l'Europe. Selon les derniers sondages, les écologistes belges risquent aussi de connaître un net recul. Les pronostics ne sont guère plus engageants pour le groupe des Verts au Parlement européen qui devrait subir de lourdes pertes. Comme partout ailleurs, l’émergence d’une offre politique climato-relativiste, et moins dictatoriale, n’est pas étrangère à ce retour de bâton.