Est-ce bien raisonnable de cultiver des plantes pour faire rouler nos voitures ? Et que penser de ces méthaniseurs, de plus en plus nombreux, dans lesquels fermentent nos déchets organiques pour produire du gaz ? Hugo Clément s’est demandé si les biocarburants étaient la solution miracle. Si l’idée semble excellente, elle ne l’est que sur papier. Un constat que la filière souhaite taire !

Du polluant bien caché

L’ouverture  du reportage plante  le décor. « Je pensais que cette industrie ‘verte’ nous ouvrirait ses portes à bras ouverts pour nous montrer leurs innovations plus écologiques les unes que les autres. Mais, à ma grande surprise, ils ont tous refusé de nous recevoir. Filmer la production de bioéthanol à partir de betteraves produites en France : impossible. Filmer la production de biodiesel à partir de colza ? Impossible aussi. Quant à la fabrication de carburant à base d’huiles usagées à La Mède, près de Marseille… pareil : nous n’avons pas pu entrer ». Résultat de la réflexion : ces gens-là ont des choses à cacher. 

De la maltraitance animale

Et le malaise ne fait que s’aggraver lorsqu’il s’agit d’analyser les fameux méthaniseurs qui sont censés produire de l’énergie en récupérant le méthane issu de la bouse des vaches de nos élevages. Les résidus de la maturation sont répandus comme engrais sur les champs, avec parfois des conséquences dramatiques sur l’eau potable. Beaucoup de ces vaches laitières ne voient même plus la couleur du ciel. Elles restent toute leur vie dans des hangars pour que les éleveurs puissent récolter la totalité de leurs excréments, ce qui n’est pas possible, à l’air libre, dans une prairie.

Du gaspillage alimentaire

Un lanceur d’alerte révèle aussi au journaliste que « dans le méthaniseur où il travaille, il reçoit des palettes entières de pizzas, de plats préparés, de bières et de conserves de sardines. Pour de simples questions d’erreurs d'étiquetage ou de changement de packaging, des denrées alimentaires parfaitement comestibles sont détruites pour faire… du biogaz ! »Au-delà des potentielles nuisances locales, celles des mauvaises odeurs notamment signes de gaz qui s’échappent des installations, l’autre écueil est l’accaparement des terres pour faire pousser des céréales uniquement pour alimenter les méthaniseurs. La filière utilise donc une partie de nos terres agricoles pour produire de l’énergie et non pour nourrir les hommes, alors que le prix des matières premières atteint des sommets.

Des émissions de gaz à effet de serre

Autre biais : le principe de la méthanisation est de transformer des déchets organiques en biogaz, composé essentiellement de méthane. Ce gaz est responsable d'environ 20% de l'effet de serre actuel. Mais le processus génère d’autres gaz, comme le sulfure d’hydrogène (H2S). Il est non seulement toxique, mais aussi très corrosif. Par ailleurs, une grosse installation de méthanisation (unité industrielle) nécessite le passage de dix camions par jour travaillé, évalue, en France l’Ademe (Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie). 

Des céréales, entre autres du colza, arrivent aussi d’Australie et d’Ukraine par bateau. Naturellement riches en éléments gras, il sera transformé en biodiesel. Bémol : il aura fallu brûler près d’un million de litres de fioul lourd pour faire venir cette matière première de l’autre bout de la planète.

Dans nos voitures aussi

Ces constats gâchent aussi un peu l’ambiance à la pompe ! Selon une étude de la Commission européenne reprise par l’ONG Transport & Environnement, le biodiesel émet plus de gaz à effet de serre que le diesel. Apparus d’abord comme une alternative prometteuse au pétrole dans les transports, les biocarburants (ou agrocarburants) sont de plus en plus épinglés en raison de leurs effets pervers : déforestation, disparition de cultures vivrières, augmentation des prix des denrées alimentaires… mais aussi émissions de gaz à effet de serre.

Le litre de biodiesel issu du colza représente 1,2 fois plus d’émissions que le litre de diesel ; celui de soja, deux fois plus d’émissions, et celui de l’huile de palme, trois fois plus. Or ces trois cultures représentent deux tiers des biocarburants dans l’UE. Du carburant « zéro émission » à un biodiesel émettant jusqu’à trois fois plus de gaz à effet de serre que son équivalent fossile, cela laisse pantois ! Les petites fleurs sur les camions ne sont pas synonymes de carburant propre !

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