Une enquête Eurobaromètre, réalisée à la fin de l'année 2023, fournit des informations détaillées sur la pénurie de personnel. Les PME sont les plus touchées. Quelque 54 % des PME de l'UE ont indiqué que les difficultés à trouver des employés possédant les bonnes compétences constituaient l'un des trois problèmes les plus graves pour leur entreprise. Ce chiffre varie de 28% en Turquie à 68% en Belgique. 

Dans le pays, une enquête de ManpowerGroup sur le sujet confirme l’ampleur du problème : 80% des employeurs belges éprouvent des difficultés à remplir leurs postes vacants et près d’un sur cinq (17%) affirme même éprouver de grosses difficultés à trouver les bons profils. Et ce, quelle que soit la région : les pénuries frappent 84% des employeurs en Wallonie, 80% d’entre eux à Bruxelles et 76% en Flandre.

Le choix de la flexibilité

Parmi les stratégies mises en place pour remédier au manque de compétences disponibles, 58% des employeurs affirment investir dans la formation de leur personnel existant, 37% engagent du personnel fixe pour remplir de nouvelles fonctions, 25% ont davantage recours à du personnel externe (consultance ou intérim) et 22% déclarent investir davantage dans la technologie pour améliorer leurs processus. Plus de la moitié des employeurs sondés (55%) souhaitent aussi mieux répondre au besoin de flexibilité. Cela concerne aussi bien « quand » le travail doit être effectué (temps partiel, horaires flexibles) que « où » (lieu, télétravail ou de façon hybride).

Une diminution des exigences

Toujours selon ManpowerGroup, en plus de cette flexibilité spatio-temporelle, le mot « choix » s’est imposé dans la relation qui lie un travailleur à son employeur qui doit être capable de répondre aux attentes individuelles dans de nombreux domaines, qu’il s’agisse de l’offre du package salarial, de l’offre de formation ou de l’organisation du travail en général. À côté de la flexibilité, 23% des employeurs disent élargir leur vivier de candidats (travailleurs plus âgés par exemple) et 22% disent être prêts à réduire leurs exigences lors du recrutement tant au niveau des qualifications requises que des diplômes.

Un salaire « extra »

Selon une étude conjointe menée par Acerta et la KU Leuven, malgré une augmentation des coûts salariaux, près de huit entreprises sur dix sont aussi prêtes à dégager un salaire « extra » pour recruter les futurs talents, soit recruter à un salaire plus élevé que leurs travailleurs actuels en fonction. Et plus le poste est élevé, plus cette cagnotte supplémentaire pour pouvoir attirer « quelques perles rares » et les convaincre est élevé. Et 43% des entreprises sont également disposées à offrir des avantages supplémentaires. 

Les techniciens sont les plus demandés

Les fonctions de technicien existent dans un tiers des PME. Près de la moitié (42%) sont confrontées à une pénurie de ce personnel techniquement formé, tel que les laborantins et les mécaniciens. La construction, la santé, les technologies de l'information sont particulièrement touchées. La principale raison invoquée par les employeurs est que les candidats ne possèdent pas les qualifications, les compétences ou l'expérience requises, suivie de près par le manque de candidats (54%). Ici aussi, la Belgique bat tous les records.

Tinder rencontre

Un « Tinder pour l'emploi », c’est ainsi que la commissaire européenne en charge des Affaires intérieures, Ylva Johansson, décrit le concept. Dans ce contexte de pénurie de main-d’œuvre, en novembre 2023, La Commission européenne a présenté un projet de nouvelle plateforme destinée à mettre en relation les migrants et les offres d'emploi dans l'ensemble de l'UE. 

La participation à cette réserve de talents est facultative pour les États membres, mais la Commission espère que des mesures incitatives, telles que le financement de la formation professionnelle et de l'amélioration des compétences, encourageront les capitales à y participer. « Nous allons vraiment avoir besoin de plus de migration de la main-d'œuvre », affirme Ylva Johansson. Elle précise que sans les 10 millions de ressortissants de pays tiers qui travaillent dans l'UE, soit environ 5% de la main-d'œuvre, « l'économie de l'Union européenne s'arrêterait ». Donc, 5% d’actifs étrangers feraient tourner l’économie européenne ? Il faut le dire vite … et oser !

En Belgique, le taux de chômage des hommes est estimé à 6,0% et celui des femmes à 5,1%. Le taux de chômage des 15-64 ans a atteint 10,7% en 2023. En Wallonie, 8,2% des actifs sont des chômeurs BIT, contre 3,3% en Flandre. Un chômeur au sens du BIT (Bureau International du Travail) est « une personne âgée de 15 ans ou plus qui répond simultanément à trois conditions : être sans emploi durant une semaine donnée ; être disponible pour prendre un emploi dans les deux semaines ; avoir cherché activement un emploi au cours des quatre dernières semaines ou en avoir trouvé un qui commence dans moins de trois mois ».

Il y a à l’évidence assez de main-d’œuvre nationale inexploitée (10% de chômeurs) sans faire appel à de la main-d’œuvre étrangère supplémentaires. Qu’attend-on pour mettre ce petit monde au travail ? 

La limitation dans le temps des allocations de chômage - soit 2 ans - serait déjà un premier pas dans la bonne direction. Le MR, l’Open VLD, les Engagés ou Vooruit et la N-VA du côté flamand y sont favorables. Comme la FEB du côté patronal. Sans surprise la FGTB est contre, comme le PTB, le PS, Ecolo et Défi.