La dernière mise en garde faite au gouvernement par les Etats-Unis a pris la forme d'un courrier officiel que nous avons pu consulter, envoyé par treize membres du Congrès américain, dont le président de la commission des Relations extérieures du Sénat, Bob Menendez, au Premier ministre, Alexander De Croo, pour demander le rejet de la loi d'assentiment au traité.

Une ferme opposition américaine

En 2021, Assadollah Assadi, « diplomate » en Autriche, a été condamné à 20 ans de prison en Belgique pour un projet d’attentat  déjoué en 2018, qui comprenait le transport d'un engin hautement explosif dans une valise diplomatique. Son passeport diplomatique servait de couverture à ses opérations au sein de la célèbre unité du « Département 312 » des services secrets iraniens, qui figure sur la liste noire des organisations terroristes. Il s'agit du premier procès d'un responsable iranien pour des soupçons de terrorisme en Europe depuis la révolution iranienne de 1979. 

Les membres du Congrès souligne dans leur missive : « l’héroïsme dont la Belgique a fait preuve, tout d’abord en démantelant une préparation d’attentat terroriste et ensuite en condamnant les responsables à des peines de prisons sévères pour ces actes, une condamnation qui fera certainement jurisprudence. Ce pourquoi, nous vous implorons de conserver cette ligne de conduite. Tout traité entre la Belgique et l'Iran ne peut accorder l'impunité à Assadi. L'Iran doit être tenu responsable de son soutien au terrorisme et de la prise d'otages comme moyen de pression ». Juste avant son procès, en 2020, Assadi avait déclaré aux enquêteurs belges que sa condamnation aurait « des conséquences pour la Belgique qui ne peuvent être prévues ».

De son côté, le ministre de la Justice, Van Quickenborne, a répété en commission que ce texte controversé visait à protéger les citoyens belges qui se trouveraient en Iran et qu’il répondait à un avis positif des services de sécurité. « Ma boussole est celle des services de sécurité. Ils disent très clairement : ne pas conclure le traité signifie plus d'otages demain. Je pèse mes mots. Il y a des vies humaines en jeu. Son application se déroulera au cas par cas, de façon minutieuse et en utilisant toutes les possibilités ouvertes pour contrôler l’exécution de la peine », a-t-il assuré.

Une fronde euro-canadienne

L’Italie, la Roumanie, la Lituanie, La Finlande, la Pologne, l’Islande, Malte et le Canada adressent également une lettre conjointe à Éliane Tillieux, présidente de la Chambre des représentants pour exprimer leurs craintes et leurs désapprobation au regard de la justice pénale internationale (*)

« Nous vous écrivons pour vous faire part de notre profonde inquiétude concernant l'accord conclu entre le gouvernement belge et le régime théocratique au pouvoir en Iran (…) Nous trouvons cela extrêmement problématique et dangereux. Il s'agirait d'une perturbation de la justice internationale et de toutes nos activités antiterroristes en Europe, simplement parce que cela irait dans la mauvaise direction en favorisant l'impunité. Cela constituerait un précédent pour tous les autres régimes voyous, comme la Russie et la Chine, qui pourraient en profiter. Avec un tel précédent, comment pourrions-nous arrêter tout acte de terrorisme soutenu par un État ? »

Et de poursuivre : « Si une mauvaise décision est prise par le Parlement belge, le traité portera un préjudice irréparable et historique à la structure antiterroriste, à l'efficacité de la lutte contre le terrorisme et aux efforts des services de sécurité européens pour empêcher les terroristes d'État de cibler les dissidents et les étrangers. Si vous adoptez ce traité, le 6 juillet deviendra le tournant qui aura miné la justice internationale  (..)

Nourrir le crocodile le rend plus gourmand

Lors d’une conférence de presse, Farzin Hashemi, membre de la Commission des Affaires étrangères du Conseil national de la résistance iranienne (CNRI), a déclaré : « Il ne faut pas se faire d’illusions. Sous couvert de l’intention bienveillante de justice et d’humanité, ce traité n’a qu’un seul objectif. Il s’agit de faciliter la libération du sinistre maître terrorisme, Assadollah Assadi (…) S'il avait réussi, des centaines de personnes auraient été tuées (…) Ce traité est honteux (…) Le chantage est un élément de la survie du régime ». 

La dirigeante de la résistance iranienne, Maryam Radjavi, ne dit pas autre chose lorsqu’elle souligne que « si le projet de loi est adopté, le fascisme religieux au pouvoir en Iran sera bien plus agressif dans ses actes terroristes en Europe. Si le projet de loi est adopté, personne en Europe ne connaîtra de sécurité et d’immunité contre les assassins au pouvoir en Iran car nourrir le crocodile le rend plus gourmand ». 

Copyright – Conférence de presse de Maîtres William Bourdon, Georges-Henri Beauthier et Rik Vanreusel  

Des poursuites envisagées contre l’Etat belge

Les Conseil du Conseil national de la résistance iranienne (CNRI) et de 25 parties civiles ont également tenu à rappeler qu’en ce qui concerne le dossier Assadollah Assadi, « l’enquête avait établi sans l’ombre d’un doute que les quatre individus condamnés agissaient au nom de l’Etat iranien, qui leur avait mis d’importants moyens à disposition. Transférer un terroriste vers l’Etat au nom et pour le compte duquel il voulait faire exploser un rassemblement pacifique avec des dizaines de milliers de participants en Europe est une honte pour tous les gouvernements (…) Nous demandons à ce que ce traité ne soit pas approuvé par les élus belges et qu’il ne puisse pas trouver son application sur le territoire européen (…) ». Et d’avertir : « Nous prendrons tous les moyens légaux pour empêcher le transfert d'un terroriste vers ce pays, qui a officiellement déclaré qu'il ne reconnaissait pas la décision de justice en Belgique. Accepter les pressions iraniennes, c’est potentialiser la capture d’autres étrangers en Iran pour faire levier demain si des agents publics iraniens étaient poursuivis ou condamnés ».

(*) Les signataires sont : 

  • Giulio Terzi, Ministre des affaires étrangères de l'Italie (2011-2013), représentant permanent de l'Italie auprès des Nations unies à New York (2008-2009) et Ambassadeur d'Italie aux Etats-Unis (2009- 2011), Président du Comité de l'ISJ sur la protection des droits de l'homme et de la justice en Iran ;
  • Petre Roman, ancien Premier ministre roumain ;:
  • Jan-Erik Enestam, ancien ministre finlandais de la Défense et de l'Environnement ;
  • Audronius Ažubalis, ancien ministre des affaires étrangères de Lituanie ;
  • Ryszard Kalisz, ancien ministre de l'Intérieur de la Pologne ;
  • Kimmo Sasi, ancien ministre finlandais du commerce extérieur et des transports et communications ;
  • Marcin Swiecicki, ancien ministre polonais des relations économiques extérieures, et ancien maire de la ville de Varsovie ;
  • Edvard Solnes, ancien ministre islandais de l'environnement ;
  • Wayne Easter, ancien secrétaire parlementaire canadien du ministre de l'agriculture ;
  • Tony Clement, ancien ministre canadien de l'Industrie et de la Santé ;
  • Mario Galea, ancien secrétaire d'État parlementaire maltais chargé des personnes âgées et de l'aide sociale ;
  • Michal Kaminski, ancien secrétaire d'État aux relations avec les médias à la chancellerie du président de la Pologne, et actuel vice-président du Sénat polonais.