En 2019, alors ministre allemande de la Défense, Ursula von der Leyen devient, avec une courte majorité (383 voix sur 747, soit 51,3%), la première femme à la tête de l’exécutif européen. Elle démissionne alors du gouvernement d’Angela Merkel et rejoint la commission le 1er décembre de la même année. Outre-Rhin, sa cote de popularité est pourtant sous la barre des 30%. Selon une étude d'opinion réalisée pour le quotidien Bild, les Allemands la perçoivent comme la deuxième personne la moins compétente au gouvernement. Après le Conseil européen de juillet 2019, seuls 33% des Allemands sondés par l’institut Infratest Dimap estiment qu’elle ferait une bonne Présidente de la Commission européenne. Prémonitoire ? 

Plagiat et traficotage dès le berceau

Ursula von der Leyen passe son enfance en Belgique, où elle fréquente l'École européenne. En 1976, elle obtient un Abitur en mathématiques et sciences, suivi d’un diplôme en économie. En 1980, elle entreprend des études de médecine à l'université Gottfried Wilhelm Leibniz de Hanovre. À l'issue de ce cursus, elle défend sa thèse et devient docteur en 1991. Mais, en 2015, le site internet VroniPlag Wiki - qui examine les plagiats dans les thèses de doctorat allemandes – affirme avoir trouvé des « passages entiers avec du copier/coller » dans celle présentée par von der Leyen : « 32 plagiats sur 67 pages ». Une enquête est ouverte. En 2016, Zensursula s’en sort au bénéfice du doute. Les professeurs reconnaissent de « nombreuses erreurs dans le texte », sans pouvoir « apporter la preuve d’une tromperie délibérée ». Et pourtant, c’est historique, dans cette université, lorsque les doctorants se défendent contre la révocation de leur diplôme, ils n’y parviennent jamais ! « Le corps académique choisit la voie de la moindre résistance. Le père de Zensursula, Ernst Albrecht, est un homme politique puissant », titrera la presse allemande. Le mensonge gros comme un éléphant passe, mais il ne sera pas le dernier. 

En octobre 2015, un représentant de l'université Stanford dénonce von der Leyen pour avoir indiqué sur son CV qu'elle aurait été invitée, en 1993, à donner des cours en tant qu'auditrice à la Graduate School of Business. Il y a comme un bug ! Ce poste n’existe pas. Le porte-parole de Zensursula, alors ministre de La Défense, affirme qu’elle dispose des documents utiles pour étayer ses affirmations, éléments qu’elle ne produira jamais.

L’éléphant ne brille pas à La Défense

Membre de l’Union chrétienne-démocrate (CDU) depuis 1990 (comme son père, cela aide), Ursula von der Leyen se lance en politique en 2001. Bénéficiant d’une popularité relativement élevée par népotisme, elle voit les bonnes opinions en sa faveur diminuer lors de son passage au ministère de la Défense. Arrivée en 2013 pour y mettre de l’ordre budgétaire, il lui est reproché de ne pas réaliser ses objectifs. Des avions de chasse et de transport militaire resteront cloués au sol et de nombreux hélicoptères ne seront jamais remis en état de voler. Sous son mandat, Berlin rompt aussi avec la tradition allemande de ne pas exporter de matériel militaire dans une zone de conflit, en armant les forces armées kurdes et irakiennes face à Daech. Zensursula cristallise alors les critiques tant de la part des partis politiques que des médias allemands.

Des consultants douteusement engraissés

Des soupçons de favoritisme et de copinage fusent aussi quant au flou entourant les conditions d'attribution de contrats à des société externes - souvent sélectionnés sans aucun appel d’offre - au regard de leur coût : plus de 200 millions d’euros sont dilapidés en deux ans. La Cour des comptes fédérale allemande jugera ces dépenses à La Défense « douteuses ». En 2018, von der Leyen reconnaîtra d’ailleurs officiellement cette « erreur d’appréciation » (une de plus au tableau). En février 2020, la ministre sera appelée à témoigner devant la commission d'enquête du Bundestag. Autre question qui attisera la polémique : pourquoi tous les messages que contenaient son téléphone portable de service (c’est apparemment une habitude chez Zensursula) ont-ils été supprimés alors que la commission d'enquête avait demandé d’y accéder ? Pas de réponse. Sa cote de popularité est définitivement en berne chez les Teutons, mais, cela ne l’empêchera pas de grimper à l’Europe où elle poursuivra l’addition des ratés politiques.

Contrats Pfizer : SMS-GATE et Bourla « poche »

En 2019, von der Leyen est élue présidente de la Commission européenne, où son père fut fonctionnaire dès 1958 (tiens donc !). En janvier 2022, une enquête est ouverte par un organisme de surveillance de l'UE, mené par la médiatrice Emily O'Reilly, sur des SMS envoyés au PDG de Pfizer. Lors d’une conférence de presse qui se tient le 16 février suivant, des députés européens reprochent à Zensursula de ne pas avoir divulgué les textos qu’elle a échangés en 2021 avec Albert Bourla, le CEO du laboratoire pharmaceutique, sur les achats de vaccins contre le Covid : 80% des doses achetées par l’UE ont été fournies par le duo américano-allemand Pfizer/BioNTech, mais les aspects-clés des accords pris demeurent opaques. Le 14 février 2023, le The New York Times saisi la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE) pour forcer la Commission européenne à publier ces SMS. L’affaire est toujours pendante. Mais, la saga ne s’arrête pas là.

En avril 2023, Frédéric Baldan, un lobbyiste liégeois accrédité auprès des institutions européennes, dépose plainte au pénale à l’encontre de Zensursula. Selon le plaignant, qui s'est constitué partie civile dans les mains du juge d’instruction, les finances publiques de la Belgique auraient été lésées par les négociations de von der Leyen avec Pfizer. Il dénonce une « usurpation de fonctions et de titre, une destruction de documents publics, une prise illégal d’intérêt et de la corruption » au sommet de l’UE. « Si elle a toujours ces SMS, mais ne veut pas les dévoiler, il s’agit d’une situation où un dépositaire de l’autorité publique porte atteinte de manière arbitraire aux droits consacrés dans la constitution, ce qui constitue une infraction pénale selon le droit belge ». Frédéric Baldan, qui réclame 50.000 euros pour son préjudice moral, s’est vu depuis retirer son accréditation, et donc l’accès aux bâtiments de l’UE, par le secrétariat du registre de transparence de la Commission européenne (sic !).

Energie : L’impopularité explose au compteur

En février 2022, au début de la guerre en Ukraine, malgré les sanctions imposées à la Russie, l’Europe subit un retour de manivelle énergétique : les prix explosent. C’est dans ce contexte tendu que Zensursula dérape lors de son discours sur l’état de l’Union du 14 septembre. A une question posée par la député Manon Aubry (La Gauche), elle répond : « les factures d'énergie sont effectivement devenues insupportables pour beaucoup (…) Envoyez ces factures à Moscou, c'est là qu'elles doivent être ». Un commentaire qui passe très mal dans l’hémicycle. Le député allemand Martin Sonneborn (Die PARTEI) intervient alors à la tribune et résume l’inefficacité de la Présidente en ces termes : « (…) Quand vous avez commencé votre service, je vous savais juste incompétente et un peu criminelle, je sais aussi à présent que vous êtes d’une liberté morale impressionnante (…) Je ne sais rien de plus sur l’Europe, sauf qu’il ne faut pas laisser l’Europe à la Leyen ».

Fais ce que je te dis, ne fais pas ce que je fais

« Pour la communauté mondiale des affaires, la principale préoccupation des deux prochaines années n'est pas le conflit ou le climat. Mais la désinformation. La collaboration entre les gouvernements et les entreprises est nécessaire pour la combattre, d’autant plus que 2024 est la plus grande année électorale de l'histoire, avec de nombreuses élections prévues dans le monde entier », déclare Zensursula dans un discours prononcé lors du World Economic Forum Annual Meeting, qui s’est tenu à Davos, du 15 au 19 janvier dernier. Il faut être culottée ! Et pourtant ! La présidente de la Commission européenne devrait vraisemblablement annoncer sa candidature à un second mandat à la tête de l’exécutif européen, lors d’une réunion de sa famille politique, l'Union chrétienne-démocrate (CDU), qui se tiendra à Berlin le 19 février prochain.

Le candidat « tête de liste » du Parti populaire européen (PPE), le parti paneuropéen de la CDU, sera ensuite désigné lors d'un congrès du parti à Bucarest, les 6 et 7 mars. La nomination d’Ursula von der Leyen semble toutefois considérée comme une formalité en interne. Il y a peu d’aspirants au titre. Une candidature qui ravira certainement les plus grands opposants à l'Union européenne qui ne peuvent rêver mieux pour conduire l'UE à sa fin.