C’est un personnage particulièrement intéressant que l’ECB (École de Commerce Bogaerts) a invité à Kinshasa. Non par sa formation d’ingénieur: issu de Solvay, certes un indice de valeur, mais ils sont des cohortes. Non par son parcours bancaire: exceptionnel, mais sans aucune expérience congolaise. Non par son rang élevé au sein de structures financières internationales: ses alter ego indiens et chinois occupent déjà le terrain. Ce qui distingue Jacques Peters de tous est primordial, c’est sa capacité à jouer d’ingénuité. Jouer, oui, car c’est une attitude délibérée, pas de la candeur. Ses questions sont directes, sans ambages. Il s’intéresse au réel, d’esprit ouvert à l’apprentissage comme au premier jour, interrogeant ses interlocuteurs au sujet de leurs expériences respectives. John Bogaerts, Président du Cercle d’Affaires B19 et animateur du John Late Show, a mené la discussion ; les échanges ont permis au public de découvrir une sorte de Tintin du développement, animé de la volonté d’être bénéfique à autrui. L’on sent Jacques Peters mu par une intention plus élevée que le seul appât du gain: la vertu, au sens philosophique du terme, en perspective entrepreneuriale.

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Face à lui, des étudiants de l’ECB, école supérieure franco-belge de commerce et marketing, et des « distingués invités » pour reprendre l’expression locale. Des Congolais. Tous à l’écoute de ce Tintin venu du Groussherzogtum Lëtzebuerg. L’on dirait-là un pays sorti de l’imaginaire d’Hergé, le San Theodoros, l’Hambalapur, la Poldavie ou le Rawhajpoutalah. Le Groussherzogtum Lëtzebuerg est frontalier du Royaume de Belgique: il s’agit du Grand-Duché de Luxembourg. Deux monarchies constitutionnelles. L’une, douze fois plus petite que l’autre ; ce qui ne l’empêche pas d’être largement plus performante à bien des égards, surtout quant au respect de l’entreprise. Une observation qui devrait inspirer tout acteur économique au Congo, là où l’on a tendance à croire que des dimensions gigantesques se suffisent à elles-mêmes. Or, rien ne vaut en réalité sans les hommes. D’un territoire correspondant à 77 fois la Belgique ou 905 fois le Luxembourg, le géant d’Afrique centrale ne dispose même pas du réseau bancaire du plus petit des deux. À peine 19 banques, mineures à l’échelle internationale, tandis que le Luxembourg en compte 118 dont les plus performantes.

La faiblesse du géant n’est pas une fatalité dans l’absolu, mais elle restera néanmoins inéluctable tant qu’y perdurera la croyance en l’enrichissement facile. Un travers étonnant car l’état général de misère au quotidien aurait dû ouvrir les yeux aux plus obtus depuis des lustres. Le Professeur Kasongo Numbi (UNIKIN) fustige ce penchant collectif auto-destructeur: « Le sous-développement de l’Afrique est fondé sur la paresse traduite partout par l’amour du gain facile et aussi par le manque d’amour pour l’autre. Les Noirs d’Afrique vendaient comme esclaves, ou tuaient, les plus intelligents ou les plus forts, par jalousie ou par crainte et cela avant l’arrivée du christianisme. Ils n’ont pas encore mis fin à cette culture d’exclusion des meilleurs de la gestion de la chose publique ». Il n’est pas entendu. Maintenant, au pays, le slogan des affiches publicitaires d’une grande banque congolaise a de quoi laisser perplexe, mais l’on peut présumer qu’elle connaisse sa clientèle: « Triomphez sans effort ! ». Dans un autre registre, les pasteurs évangélistes minent les mentalités en attribuant le succès à l’observance de leurs élucubrations. Facile ! Actuellement, la publicité d’un de ces exaltés malsains assure le quidam: « Le miracle est un droit ». Dans ce contexte, avec sincérité et naturel, notre Tintin du développement a témoigné de son parcours et de la place que le travail y occupait. Il a notamment prodigué un conseil pour entretenir le dynamisme intellectuel. Se poser régulièrement la question suivante: « quand est-ce la dernière fois que l’on a fait quelque chose pour la première fois ? ». Et l’on se prend à penser que Jacques Peters, si différent, pourrait initier une approche pragmatique du renouveau des liens socio-économiques belgo-congolais, une première fois majeure. Les entreprises congolaises sont à la recherche de partenaires. Et les entreprises belges ne peuvent pas compter sur une aide effective de leurs représentants diplomatiques. Ces derniers ont pour seul paradigme l’administration et ne coopèrent qu’avec les structures publiques belges. Le terne rond-de-cuir ne comprend pas qu’il vit de l’impôt payé par ceux qui produisent. Alors, Tintin, à quand le retour à Kin  ?