Dans la série des « en même temps », Emmanuel Macron, le président français, fait à nouveau parler de lui. La France est à couteaux tirés avec la Commission européenne, car elle refuse de fournir des objectifs quantifiés dans son plan pour les énergies renouvelables, invoquant des raisons de souveraineté nationale et affirmant qu’elle préfère se concentrer sur des objectifs globaux de réduction des émissions de gaz à effet de serre plutôt que sur des objectifs spécifiques pour chaque source d’énergie renouvelable.
À l’inverse, la Commission considère que des objectifs quantifiés spécifiques sont nécessaires pour assurer une mise en œuvre efficace des politiques énergétiques et climatiques.
Énergies renouvelables, en même temps…
Dans un pays champion des faibles émissions grâce à sa forte base nucléaire, pourquoi s’efforcer de réduire encore plus les émissions avec des projets mal vus par la population et coûteux ? De plus, la France se distingue des autres États membres par le fait que l’énergie nucléaire représente 40 % de son énergie primaire, ce qui signifie qu’elle a des émissions de CO2 par habitant de 7,4 t, contre 9,4 en Allemagne et 10,0 en Belgique. Donc la France n’a que faire des énergies renouvelables.
Mais alors pourquoi mise-t-elle sur l’éolien offshore, comme en témoigne la quinzaine de parcs éoliens en projet ? Pire, elle entend installer des éoliennes flottantes, une technologie qui n’a pas encore atteint sa maturité commerciale. Lorsque j’étais fonctionnaire à la Commission, j’ai participé au projet portugais WinFloat Atlantic de trois fois 8,4 mégawatts (MW).
Des Liégeois au secours de Macron ?
La Bretagne possède le plus long littoral de France (1772 km). C’est pourquoi le gouvernement souhaite en faire un centre d’éoliennes en mer. Deux projets sont déjà en cours de construction à Saint-Nazaire et Saint-Brieuc. Au large du Morbihan, entre les îles de Groix et de Belle-Île-en-Mer, il prévoit le premier parc éolien flottant de France. Prévu pour être achevé en 2031, il aurait une capacité de 230 à 270 MW. L’espoir est que cette nouvelle technologie permette de s’éloigner du littoral et de libérer cette région touristique de toute intrusion visuelle.
Pour imaginer un tel saut de taille, il faut n’avoir jamais vu de tempête en Bretagne, où les vagues de 15 mètres et les vents de 170 km/h sont une réalité effrayante. Faire flotter un groupe d’embarcations équipées chacune d’une machinerie de 1000 tonnes, hissées sur un mât de 150 mètres et prétendre les ancrer de façon stable durant 25 ans est un pari que des entreprises spécialisées dans l’équipement offshore comme TotalEnergies, Shell ou Equinor n’ont pas voulu prendre.
Mais des courageux Liégeois l’ont fait. Le consortium Pennavel qui n’a aucune expérience dans la construction de telles installations a été choisi ce 15 mai par le gouvernement de Macron. Composé de deux entreprises, Elicio (Belgique) et BayWa r.e (Allemagne), il promet de fournir de l’électricité à 86,45 €/MWh (bien en dessous du maximum de 140 € autorisé par l’appel d’offres). Bien entendu, si le coût de revient est plus élevé, l’État paiera la différence. Elicio est une petite entreprise belge (80 employés) spécialisée dans l’énergie éolienne terrestre, filiale à 100 % du groupe Nethys, le holding public liégeois bien connu, toujours actif là où il y a des obligations publiques. Vont-ils, constatant l’échec en mer de Bretagne en 2035, installer des éoliennes flottantes sur la Meuse ? Une telle désinvolture technologique dans cette affaire à haut risque va ridiculiser Macron et des Liégeois. Pour le français, ce n’est pas grave puisqu’il ne sera plus président.
Mais le dernier mot n’est pas dit puisque l’opposition s’organise et de recours en recours – si d’aventure le projet devait malgré tout être réalisé - nous serons en 2040, lorsque plus personne ne se souciera des émissions de CO2, parce qu’elles auront tellement augmenté à l’échelle mondiale. « Les gardiens du large de Groix, Belle-île, Quiberon, et d’ailleurs » estime que ce projet est intrinsèquement condamnable, car il détruit le littoral, menace la faune et la pêche, et est inutile et coûteux dans un mix électrique français qui n’a pas besoin d’une production supplémentaire décarbonée. Ce groupe souligne le manque d’expertise des Liégeois dans ce domaine, face à l’ampleur du défi technologique. On ne peut pas leur reprocher.
L’éolien en France est d’inutilité́ publique majeure
En avril, j’ai été invitée à participer à une réunion en Vendée organisée par l’AVEL (Association vendéenne des élus du littoral), car les élus locaux et les marins pêcheurs s’organisent pour s’opposer à ces projets décidés par l’État sans aucune concertation avec eux. Il en a résulté une lettre au président Macron pour s’opposer à ces projets de parcs éoliens en mer. J’ai accepté avec conviction la proposition du président de l’AVEL, le maire des Sables-d’Olonne, de cosigner cette lettre qui souligne que lorsque les éoliennes produisent, la production des principales productions pilotables françaises doit être réduite d’autant, alors que leurs émissions de CO2 sont bien inférieures à celles de l’éolien.
Elle met en garde contre la défiguration, la dégradation de ses espaces terrestres et maritimes, la destruction de la pêche et de la biodiversité, dans le seul but d’exporter vers l’UE de l’électricité verte, subventionnée par les Français puisque la Commission européenne a accepté que la France offre 2,08 milliards d’euro de subsides à l’éolien en mer ; gageons qu’une partie des subventions finira dans l’escarcelle de Nethys. Car c’est bien de cela qu’il s’agit : exporter de l’électricité verte que les autres États membres ne peuvent pas produire pour atteindre les objectifs extravagants imposés par Bruxelles-Strasbourg. D’ailleurs Bruno Le Maire vise à produire 45GW d’éolien en mer…dont la moitié seulement pour la France.
Soit, la prochaine Commission européenne et le prochain Parlement reviendront sur les objectifs inatteignables, soit la Bretagne sera défigurée, soit les objectifs seront manqués. À moins que, comme l’a demandé la semaine dernière le syndicat polonais Solidarnosc, le Pacte vert ne soit purement et simplement retiré.
La lettre adressée à Emmanuel Macron dénonce sa politique comme déraisonnable, scientifiquement infondée, destructrice de l’environnement et des activités essentielles, et ruineuses. Cette politique devra être revue de fond en comble, ce qu’il ne fera pas, lui qui a été un des artisans du pacte vert. Le seul espoir sera un renversement de majorité lors des élections européennes du 9 juin. Nul doute que les actionnaires de Nethys ne l’entendront pas ainsi.