Fatshi sera-t-il l’exorciste salvateur ?
Lorsque le cheval tire au renard, le cavalier lui apprend à se maîtriser. Quand l’Homme s’agite de même, fuyant ses responsabilités, il s’invente un récit alternatif. Deux univers. Au Congo, nous avons des spécialistes de la divagation incantatoire. Jusqu’au ridicule absolu, en-dehors du réel. L’est du territoire échappe au contrôle depuis plus de trente ans. Qu’à cela ne tienne, ils lancent une mise en demeure, à la façon d’un recouvrement de facture. Une perle en son genre, cette invective: «ONU, Union européenne et USA : « soit vous mettez fin à la guerre au plus tard le 5 mars 2024, et nous récupérons nos territoires occupés, soit vous quittez la RDC avec tous vos organismes». Un esprit taquin serait tenté d’y rétorquer que s’il suffisait de cela, l’on pourrait se réjouir à l’idée de voir ces Congolais, dès le 5 mars 2024, aller récupérer les territoires en cause. Gageons qu’au lendemain de cette échéance, ils n’en auront rien fait. Avant le 5 = après le 5, comme aurait dit le Général Janssens. De l’incantation, du verbiage, des gesticulations, au contraire du cheval qui apprend, lui !
Des banderoles comminatoires «ONU, Union européenne et USA, soit vous mettez fin à la guerre au plus tard le 5 mars 2024, etc.» ont été récemment placées devant les ambassades de Belgique et de France notamment. L’on imagine les diplomates médusés; rendus seuls responsables de trente ans de guerre à l’Est. Accusés par qui ? Par des activistes anti-occidentaux probablement téléguidés, sous couvert d’un mouvement baptisé ÉVEIL PATRIOTIQUE. Voyons voir ce que ces agités verbeux feront au lendemain du 5 mars 2024, après l’échéance de leur mise en demeure de recouvrement de territoire. Ils auront l’occasion de méditer à propos de leur slogan: «Debout Congolais ! Prenons-nous en charge». Chiche, patriote congolais, prends-toi en charge ! Pars au combat, vraiment, au front, à Goma par exemple, plutôt que rester à l’abri à Kinshasa. Certes, il est plus facile de se livrer à des émeutes en brandissant des machettes et en détruisant les biens d’autrui, en les incendiant ou autrement. À l’Est, le M23 se gausse de ces grotesques pitreries.
Au registre de cette agitation, les tentatives de lancer des rumeurs confirment cette inclination au verbiage. Mais ces procédés sont de même niveau: l’œuvre de pieds-nickelés. À croire une vignette conçue pour être diffusée via les réseaux sociaux, le Parquet de Paris aurait réagi aux émeutes de l’ÉVEIL PATRIOTIQUE en ouvrant une enquête. Admettons son ouverture, par hypothèse, quod non, mais à trop vouloir prétendre, l’exercice se retourne contre ses auteurs. Maladroits, va ! Parfaitement ignorants des procédures, ils visent un apparatchik du pouvoir en évoquant des «comptes bancaires gelés dans tout l’espace de l’Union européenne», outre une «interdiction de voyage» de même étendue. C’est manifestement invraisemblable. Tout cela ne se fait pas en quelques jours. La vignette porte le logo de France 24, à son insu évidemment. Un fake, tellement évident qu’il éveille la pitié envers ses auteurs démunis de neurones à ce point.
Mais les pieds-nickelés ont de la ressource. Une autre vignette attribue à Thierry Breton un propos de nature à provoquer l’opinion publique congolaise: «C’est ce gamin imbécile d’Emmanuel Macron qui a ouvert les yeux aux Africains (…) L’Europe doit s’unir pour combattre cette nouvelle vision africaine», vision non précisée. L’on conçoit mal que cet habile technocrate, au langage choisi d’habitude, ait pu tenir un propos si primaire. L’auteur de cette vignette fallacieuse se trahit par une autre maladresse linguistique; faisant dire au précité que la France perd ses «colonnes» au lieu des colonies. Thierry Breton, ancien ministre français et commissaire européen en exercice, maîtrise mieux le vocabulaire. Fatshi, de grâce, relève le niveau et chasse ces démons, ces monstres ignares qui sapent l’indépendance. Leur incompétence crasse mine la classe politique. Parmi cent millions de Congolais, il doit être possible de sélectionner une élite.