La culture de l’annulation est en train d’annuler notre société occidentale. Des minorités agressives se sentent persécutées et persécutent de fait la majorité restée indifférente à ce travail de déconstruction. L’Eurovision et l’occupation d’un bâtiment de l’ULB ne sont que deux visages d’une même stratégie d’annulation de notre culture judéo-chrétienne, que l’on veuille ou non l’appeler ainsi.
Depuis quelques années, la culture de l’annulation (cancel culture ou wokisme) se manifeste dans les pays occidentaux. Cette conceptualisation, étrangement appelée culture, a pour but de sacraliser la sensibilité de certaines minorités et de ceux qui prétendent parler en leur nom. Ces derniers ont réussi à pétrifier la majorité, à censurer tout ce qui choque les franges jusqu’à ne plus utiliser certains mots, à saccager des statues, à changer le nom de tunnels, jusqu’à populariser la laideur. Je suis assis dans le salon de l’Eurostar à la gare du Midi en train d’écrire ces lignes, et je regarde les photos de laids zozos sur le mur, alors que l’immense majorité des voyageurs est à l’opposé de ce qui est exposé.
Ces militants représentent une minorité de la population, mais ils bénéficient d’une grande couverture médiatique. La célèbre conclusion du Manifeste du Parti communiste, co-écrit par Marx et Engels, « Prolétaires de tous les pays, unissez-vous » est devenue « Marginaux de toutes les revendications, unissez-vous ». Avec leur indignation sélective, dans un esprit grégaire, ils s’associent à toutes les causes de revendications.
Le concours de l’Eurovision, annulation de la chanson
Ce puritanisme inversé contrôle la culture, le cinéma et la chanson. Le concours Eurovision de la chanson de la semaine dernière a démontré sa domination. Tout d’abord, les prestations ont été plus des spectacles extravagants que des chansons. Le vainqueur suisse a chanté en jupe et s’est vanté d’avoir cassé les codes ; c’était mon but, a-t-il dit. Il n’a pas gagné grâce au public, qui a voté à distance ; ce sont les membres du jury professionnel, ceux de la cause, qui l’ont élu. Les téléspectateurs, qui n’ont eu à transgresser aucun code, ont voté massivement pour la chanteuse israélienne Eden Golan sous les huées d’une foule en colère. La jeune chanteuse ne s’est pas laissé démonter, mais elle a dû être protégée par les services secrets de son pays.
N’étant plus la star qu’elle était, l’activiste climatique Greta Thunberg a dû se recycler et, fidèle à son esprit grégaire, s’est ralliée à la « cause palestinienne ». Docteur honoris causa de l’Université de Mons, Thunberg, d’une intolérance indigne d’un tel titre, a déclaré que la participation d’Israël à l’Eurovision était « scandaleuse et inexcusable ». Vêtue d’un keffieh et coutumière des excès, elle a osé dire qu’Israël était en train de perpétrer un génocide, reprenant les termes de la propagande du Hamas. L’Université de Mons va-t-elle réagir ?
L’annulation du libre examen
Puisque nous parlons d’universités, l’attitude des autorités de l’Université Libre de Bruxelles est inexcusable. Un bâtiment est occupé par une minorité qui attaque frontalement Israël et les Juifs. Si le service de sécurité de l’ULB n’était pas intervenu, un étudiant juif aurait été violemment frappé. Dans une université dont le fondement est la liberté, il est devenu impossible de dialoguer et d’argumenter. Ce groupe — qui n’est pas composé uniquement d’étudiants — exige que l’ULB mette fin à toute coopération avec les universités israéliennes. La culture de l’annulation a annulé le libre examen.
Entendre sur le campus de mon université le slogan « Du fleuve à la mer », le cri qui nie l’existence d’Israël et proclame l’antisémitisme sans honte, démontre une fois de plus que la culture de l’annulation domine à présent cette université. Même si la rectrice maintient l’invitation à l’un des intellectuels de gauche les plus connus d’Israël, Elie Barnavi, malgré les protestations des minorités arabo-musulmanes, cela ne suffit pas. Elle doit déloger les militants qui empêchent les cours d’avoir lieu et les sanctionner pour antisémitisme et pour avoir bafoué par leur attitude le libre examen.
J’ai moi-même été victime de la culture de l’annulation dans cette université. Après 18 ans d’enseignement de la politique énergétique et de la géopolitique, des étudiants du cercle du libre examen (vous avez bien lu) ont monté une cabale contre moi parce que j’avais osé citer sur RTL la page 774 du rapport 2001 du GIEC, qui dit explicitement qu’il n’est pas possible de prédire le climat à long terme. J’enseignais à titre gracieux, ayant atteint l’âge de la retraite légale, et ma mission venait d’être prolongée par le Conseil d’Administration trois mois plus tôt. Je n’attends rien d’elle, car elle aussi est dans la culture de l’annulation.
Les élections du 9 juin prochain permettront, je l’espère, de recadrer le wokisme.