Guerre économique internationale et expansion coloniale rwandaise.

Nyanzale vient de tomber. Au fait, où est-ce ? Et qu’est-ce, une ville ou un village ? L’information diffusée révèle a minima l’indifférence des commentateurs au sujet de cette guerre si loin de Kinshasa, incapables de situer le théâtre des opérations. Nyanzale, à 100 km de Goma. Nyanzale, à 70 km de Goma. Nyanzale, à 130 km de Goma. Les uns parlent de village, d’autres de ville. Manifestement, nul ne s’y intéressait sérieusement. Il y aurait 100.000 déplacés; un chiffre rond, pas forcément plus fiable que ces localisations fantaisistes. À 100.000 déplacés, un village, vraiment ? Ville ou village, Kigali en a pris possession par son bras armé, le M23, qui fanfaronne: «Nyanzale respire la tranquillité et la délivrance».

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Robert Mardini, directeur général du CICR (Comité international de la Croix-Rouge), de passage dans la région, a qualifié la situation «d’extrêmement préoccupante». Cela valait-il la peine de quitter Genève pour afficher une telle vacuité ? Les déplacés d’aujourd’hui étaient déjà les déplacés d’hier, un temps réfugiés à Nyanzale. Maintenant, les habitants du lieu s’y sont ajoutés en leur errance. Jusqu’au moment où ils seront tous délogés à nouveau. 100.000 parmi 7.000.000; des chiffres, des statistiques. La MONUSCO a observé que la milice rwandaise, le M23, a tiré des obus de mortier sur un camp de déplacés. Les petits hommes bleus, des observateurs. Ils n’ont pas mandat d’intervenir. Force de paix, tu parles !

L’Europe condamne « FERMEMENT » !

Au quotidien, le tropisme de l’activité économique de l’Est congolais se déplace vers l’Est africain: Kigali et Dar es Salam. Il aura suffi de deux jours à une milice médiocre, le M23, pour prendre Nyanzale. Face au M23, il n’y avait que des Wazalendo (patriotes), loin d’être un corps d’élite militaire. Selon Richard Moncrieff, directeur du CRISIS GROUP pour la région des Grands Lacs, le M23 contrôle déjà la moitié de la province du Nord-Kivu, le territoire d’extension du Rwanda. Kinshasa, se bornant à des postures défensive, accumule les échecs. Les ennemis du pays, Paul Kagame en tête, posent leurs pions sur l’échiquier congolais. Cette fois, le potentat de Kigali monte en intensité: les attaques du M23 ont été lancées simultanément sur plusieurs axes: après Nyanzale, quel recul congolais observera-t-on ?
Mabenga ? Goma ? Utilité des «forces» venues d’Afrique: absolument nulle à Nyanzale comme ailleurs. Où est la solidarité africaine ? L’Union européenne, minée par l’obsession du marché et se moquant éperdument de toute préoccupation nationale, s’est déclarée «extrêmement préoccupée par l’escalade de la violence», propos identique à celui de la Croix-Rouge. Ce verbiage diplomatique, aussi consternant qu’il puisse être, constitue néanmoins un geste fort en comparaison du silence africain… tout est dit !

Quelle issue ? Les chancelleries européennes et américaines invitent Kinshasa et Kigali à dialoguer. Facile à dire. Elles enjoignent Paul Kagame de cesser de soutenir le M23, affectant d’ignorer que cette milice est de facto partie intégrante de l’Armée rwandaise opérant, sous ce couvert, sur le territoire congolais. Les chancelleries africaines ne dépassent pas non plus le niveau de la gesticulation. Cependant, Washington et Paris ont été un peu plus précis; appelant le Rwanda à retirer toutes ses forces de la zone. Oui, toutes ! Mais soyons de bon compte: des troupes occidentales, à condition d’avoir mandat de combattre et non d’observer, pourraient nettoyer l’Est en deux à trois mois. Et ensuite, à peine les militaires occidentaux rentrés dans leurs base, que se passera-t-il ? La paix ? Garantie par qui ? Les forces africaines ? Nullissimes aujourd’hui, elles le seront encore demain. Les 260 groupes armés se redéployeront aussitôt et assureront aux uns et aux autres les profits miniers tirés du pillage des ressources du Congo; lequel n’assume pas lui-même son indépendance et s’étonne encore, 64 ans après la proclamation de celle-ci, de ne pas être aidé à la mesure de ses illusions. Il lui faut des chefs militaires avant que l’Est devienne une colonie du Rwanda.