Chicago est plus tranquille que Bruxelles !
L’ostre jour comme je m’extirpais péniblement de la masse des trente drogués qui habitent de façon semble-t-il permanente la station de métro De Brouckère, dans cette atmosphère si particulière de violence, de pisse et d’insultes que savent les connaisseurs, je n’ai pas plus tôt mis un pied sur le trottoir que je suis fauchée par une trottinette montée par un ado hirsute qui me lâche un « Gaffe, la momie ! » rigolard en continuant son chemin. Moi, je n’ai pas trouvé ça très rigolo : j’ai quand même 102 ans !
Heureusement, plus de peur que de mal ; donc je ramasse mon cabas, je me relève et m’engage sur le célèbre piétonnier. (Pour nos innombrables lecteurs internationaux : c’est une gigantesque dalle de béton comme dans un film atroce de science-fiction des années septante, avec autour des cadavres d’immeubles anciens, moitié en ruines, l’autre moitié dans le style administratif URSS. C’est spécial, il faut aimer.)
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Comme je me dirige vers « Chez Suzie » pour déguster un café et me remettre de mes émotions, j’entends dans mon dos un homme qui hurle « Allahu Akbar ! » ; je me retourne et vois qu’un grand gaillard brandit un truc, on dirait un énorme couteau !! Déjà, je m’apprête à m’encourir, enfin si je peux dire, quand notre homme se fend d’un large sourire « C’est une blague, hein, Madame !!! ».
Le petit enculé. Bien sûr, je ne peux pas lui dire, sinon sa blague risque de tourner à mon cauchemar.
Donc je m’installe sur la chaise en plastique devant une petite table aussi en plastique pour siroter mon petit noir, tout en gardant un œil sur « Allahu akbar », dès fois qu’il change d’avis, quand je vois s’engouffrer sur ma gauche une colonne infernale d’une vingtaine de jeunes dans un magasin de vêtements, dont ils ressortent bientôt avec des marchandises plein les mains en criant et piétinant les deux agents de sécurité qui tentent de se mettre sur leur chemin. Chaud, le « piéto », comme dit mon arrière-petite-fille !
Cette agitation n’étant pas recommandée pour ma tension artérielle, je décide de remonter vers la Grand-Place. Je prends la rue des Fripiers, puis la rue du Marché aux Herbes. À l’instant où je débouche dans la rue Chair et Pain, bardaf j’entends le tonnerre ! Mais c’est quand même pas Dieu possible !
On peut pas mettre le nez dehors, à Bruxelles, sans se faire tremper ! Ce qui est bizarre, est que si j’entends le tonnerre, le ciel lui est tout bleu ! BANG ! Encore le tonnerre ! BANG, BANG ! Mais, mais … ce n’est pas le tonnerre ! On me tire dessus, fieu ! BANG ! BANG ! Un homme masqué surgit à deux mètres de mois, il se retourne pour lâcher une bastos à ses deux, bientôt trois poursuivants, comme je me colle contre la façade, qui se crible d’éclats !
Je suis tétanisée !!! Mais quelle horreur !!!
Enfin, quand tout ce petit monde est passé devant moi, je me décolle prudemment de la façade contre laquelle j’étais prostrée pour reprendre mon chemin vers la Grand-Place, je regarde à gauche, mais je n’ai pas le temps de tourner ma tête à droite que je prends comme un éclair en pleine face : quoi, encore une fusillade ?! Ah non, fausse alerte : ce n’est qu’un vélo. Enfin ce qu’ils appellent aujourd’hui « vélo », un truc lourd comme une bite d’amarrage et qui roule à du 50km/h en descente. Moi, de mon temps, on appelait ça une moto. Enfin, bref.
Parvenant enfin à la plus belle grand-place du monde, je m’installe en terrasse au soleil : je l’ai bien mérité, ayant échappé en deux heures à la mort par injection, la mort par trottinette, la mort par « Allahu akbar », la mort par balles, la véloci-mort … Quelle journée !
Là, bien installée, contemplant la façade immuable de l’hôtel de ville je me dis « Ma fille, je ne sais pas si c’est toi qui vieillis, mais Bruxelles a quand même beaucoup changé en quelques années ! »
BANG !