L’antilope moribonde est la proie de hyènes
À l’Est, rien de nouveau, un jeune soldat congolais pourrait le dire aujourd’hui comme son homologue allemand en quatorze. Sauf que les militaires allemands ne fuyaient pas. Récemment encore, la soldatesque congolaise a fui devant le M23. C’est grâce à d’autres facteurs d’ordre tactique que le Congo n’a pas perdu la bataille de Sake. Mais comment jeter la pierre au soldat dont le général se gave de fonds alloués à la défense du pays, sans parler d’opérations de prédations financières ? Et cela ne date pas d’hier: sous Joseph-Désiré Mobutu, des officiers de ce rang monnayaient déjà du matériel militaire dont les rebelles de Laurent-Désiré Kabila s’appropriaient. Actuellement encore, l’on peine à trouver un Napoléon congolais. Une Armée sans chef, cela ne mène à rien. Mais en Afrique, aucun chef d’État ne s’avisera de laisser émerger un vrai meneur d’Armée; devinez pourquoi. Résultat, carence permanente en cercle vicieux.
Les contributions militaires du continent font aussi triste figure. Pas de Napoléon non plus. Récemment, deux soldats sud-africains tués, non pas au combat mais par un tir de mortier tombé sur leur base près de Sake, ont été rapatriés. Aussitôt, polémique à Prétoria au refrain, en quelque sorte, de «faut-il mourir pour Dantzig ?». Traduction: faut-il mourir pour Goma ? Julius Malema, leader du parti des «Combattants pour la Liberté économique» (EFF, Economic Freedom Fighters) a brutalement posé le problème: «Notre armée ne peut même pas surveiller des choux, ils ne serviraient à rien dans ma ferme. Nous n’avons pas les capacités, l’ANC a détruit l’Armée». Au risque d’affliger les esprits légers de la bonne conscience internationale, le fait est que depuis la transmission du pouvoir à Mandela (ANC) puis à ses successeurs, l’Afrique du Sud sombre. Actuellement, les Sudafs manquent de préparation et de matériel; un comble pour quiconque connaît le niveau sud-africain antérieur. Les autres composantes militaires de la SADC ne valent guère mieux. Bref, c’est avec ce sinistre degré de désorganisation que Kinshasa est censé assumer le contrôle de son territoire.
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Le concert des nations en appelle au rétablissement de la paix et de la sécurité. Avec qui, quoi et comment ? Les pays concernés, à commencer par le Congo, sont foncièrement désorganisés, instables et corrompus à tout niveau. Sérieusement, qui s’étonne que des États dépourvus de structures effectives produisent de graves dysfonctionnements ? Et qui attend d’une classe politique largement composée de jouisseurs qu’elle initie une pensée politique salvatrice ? Laurent-Désiré Kabila n’a pas rétabli la paix à l’Est. Joseph Kabila n’a pas rétabli la paix à l’Est. Félix-Antoine Tshisekedi Tshilombo n’a pas rétabli… Du moins, pas encore. Mais reconnaissons-lui le mérite d’être le seul à avoir entamé une restructuration de l’Armée et à veiller à ce que les opérations de terrain soient soutenues par des «coachs» étrangers pour reprendre son terme. Des professionnels, il en manque. Fatshi est aussi le premier à avoir évoqué l’éventualité de porter la guerre au Rwanda plutôt que la subir seulement sur le territoire congolais. Un état d’esprit nouveau. C’est également lui qui a veillé à ce que des drones soient déployés à l’Est. Des drones chinois.
Dans ce contexte, les petits hommes gris de l’Union européenne, technocrates avant tout, ceux qui en appellent au rétablissement de la paix et de la sécurité, ont cru judicieux de conclure un protocole au sujet de la production de minerais avec Kigali … qui n’en produit pas. Autant dire que Bruxelles avalise le pillage du Congo orchestré par Paul Kagame. «C’est comme si l’Union européenne nous faisait la guerre par procuration»; dixit, à juste titre, Félix-Antoine Tshisekedi Tshilombo. Ces technocrates ne conçoivent pas grand-chose d’autre que le marché où d’ailleurs ils ne sont que des acteurs serviles de pouvoirs bassement mercantiles. Petit homme gris, tout petit, qu’as-tu dans le crâne ?