La présentation de la « déclaration de politique régionale » a suscité en général beaucoup de réactions positives. La nouvelle coalition MR – Les Engagés a produit un texte difficile à critiquer. Quelques mesures phares, qui donnent une impression de changement, et beaucoup de petites annonces qui ne changent pas grand-chose à la situation existante, et d’ailleurs à la politique antérieure.

Commençons quand même par les bonnes décisions. La plus évidente est la réduction des droits d’enregistrement, spectaculaire, de 12,5 % à 3 %. C’est une mesure importante, qui implique une véritable réduction d’impôts, et qui a des conséquences économiques et sociales.

Réduire les droits d’enregistrement, c’est diminuer le coût d’achat d’une habitation et favoriser l’accès au logement. C’est réparer une injustice causée par une taxe dont le coût, comparé à la plupart des pays européens, est délirant. C’est favoriser la mobilité sociale et professionnelle : quelqu’un qui a payé 12,5 % de droits d’enregistrement pour sa maison n’a aucune envie de déménager et de payer à nouveau une telle somme pour aller travailler ailleurs.

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C’est donc une excellente mesure, qu’il faut saluer, de même d’ailleurs que la règle de « portabilité » des droits payés pour une première acquisition, et qui pourront être imputés sur ceux d’une seconde acquisition, moyennant certaines conditions. 

Alors, certes, il est dommage que cela ne concerne que la première habitation, et que cela ne puisse servir aux investisseurs immobiliers, y compris ceux qui achètent de l’immobilier pour se constituer une pension de retraite convenable. Il est dommage aussi que ce même droit de 12,5 % continue à s’appliquer aux achats réalisés par des entreprises, comme s’il fallait les sanctionner avant même d’entamer leur activité. Mais il ne faut pas le cacher :
cette réduction d’impôts est une excellente nouvelle. 

On ne peut néanmoins s’empêcher d’éprouver une petite crainte lorsqu’on lit dans la déclaration de politique régionale que les partis s’engagent à ne pas augmenter les impôts, sauf pour compenser les réductions accordées par ailleurs. Etrange manie de tous les gouvernements belges, incapables d’accorder les véritables réductions d’impôts, sans les compenser par de nouvelles recettes, alors qu’il serait peut-être plus logique, dans un pays surtaxé, de réduire les dépenses …

La réduction, tant attendue, des droits de succession est évidemment aussi une mesure positive, mais en même temps, par rapport à ce qui avait été annoncé, elle est aussi une déception. On avait parlé d’une suppression totale des droits de succession, comme dans plusieurs autres pays d’Europe, et on reste à mi-chemin, avec l’annonce d’une réduction … de moitié des droits, et avec des taux planchers qui peuvent être inquiétants. Tout cela ne permet même pas de corriger, et de loin, les augmentations d’impôts, en termes de pouvoir d’achat, résultant de la non-indexation des barèmes depuis … 88 ans !

Verre à moitié plein ou à moitié vide ?

Pour le reste, ceux qui s’en réjouissent doivent aussi se rendre compte, qu’il vaut mieux sérieusement attendre avant de mourir !

On nous annonce en effet cette réduction d’impôts, d’ici environ 3 ans. D’ici là, beaucoup de choses peuvent se passer, y compris des milliers de décès en Wallonie, pour lesquels la Région continuera à percevoir des droits de succession dont son propre gouvernement reconnaît qu’ils sont excessifs. 

Dommage donc de faire les choses à moitié et d’en reporter encore l’application. C’est peut-être une idée pour les assureurs : proposer des couvertures d’assurance vie pour une période de 3 ans, et couvrant la moitié des droits de succession qui seraient perçus aujourd’hui ?

Quant au total des impôts, la déception est encore plus forte. On a annoncé avec fracas la plus importante réduction d’impôts qu’avait jamais connu la Wallonie. C’est exact, mais c’est un record qui n’est pas très difficile à battre, puisqu’on n’y a en réalité jamais réduit les impôts !

Quand on regarde les chiffres, on tombe de haut. Il a été question de 1,5 milliard lors de l’annonce du programme de la coalition. Quand on cherche bien, on n’y trouve clairement qu’une moitié dans la déclaration, et encore, il faut comprendre que cette réduction d’impôts s’étale … non pas sur base annuelle, mais sur toute la durée de la législature, c’est-à-dire 5 ans.

Même en partant du chiffre de 1,5 milliard, cela donne royalement 300 millions par an. Cela fait à peine un peu plus de 1 % du budget. La vraie performance est sans doute que pour une fois, on n’augmentera pas les impôts, nous dit-on.

Certes, il n’y a pas que des mesures fiscales. Mais, pour le reste, la volonté de réforme se transforme malheureusement, le plus souvent, en quelques idées de gestion plus sage. 

Lorsqu’on lit la déclaration de politique régionale, on ne cesse d’y voir les termes « optimisation », « amélioration » ou encore « harmonisation ». C’est bien, et bien gérer est toujours une qualité, mais il faut reconnaître qu’aucun gouvernement qui se met en place ne dit qu’il va moins bien gérer que le précédent.

Manque d’ambition

On ne voit pas de mesure réellement novatrice, à part sans doute, enfin, la suppression, pour les nouveaux fonctionnaires et enseignants, du système de la nomination à vie, qui oblige à conserver en fonction même les plus mauvais, et les moins adaptés.

Mais on aurait pu en profiter, dans une région où trop de gens vivent du budget de l’Etat, pour décider d’une réduction sensible et importante du nombre d’agents, statutaires ou contractuels. A la place, on annonce une maigre diminution des seuls membres des cabinets ministériels. Une bonne chose, mais qui laisse encore un goût de trop peu. 

Tout est à l’avenant. On va continuer à distribuer des subsides, mais on le fera « mieux ». Pourquoi ne pas en remettre en question le montant ? 

On va améliorer le fonctionnement de l’administration pléthorique de la Wallonie, mais sans vraiment en altérer les fondements. 

Lorsqu’un gouvernement annonce qu’il va « libéraliser », il y a deux discours possibles. Le premier, le plus courant, consiste à affirmer qu’on va mieux gérer ce qui est existant. C’est la méthode des composantes libérales de gouvernements belges, fédéraux et régionaux, depuis toujours, et c’est aussi la méthode Macron en France. Tout cela n’aboutit jamais à des résultats réellement positifs parce qu’on ne met pas en cause ce qui est réellement nuisible : c’est la forme d’Etat tentaculaire que nous subissons.

L’autre méthode consiste à annoncer un véritable changement et à le réaliser. C’est la méthode de Thatcher en Angleterre, et aujourd’hui de Milei en Argentine.  Malgré les critiques et les obstacles causés par leurs adversaires, ce sont des gouvernements qui veulent vraiment changer ce qui ne va pas, pas simplement gérer un peu mieux ce qui continuera à ne pas fonctionner. 

Certes, un gouvernement régional est tenu de travailler dans des limites assez strictes parce que malgré ce qu’on dit, la régionalisation de la Belgique n’a sans doute pas été assez poussée. 

Attendons peut-être un gouvernement fédéral qui ait un peu plus d’ambition.