Donald Trump aime parler du Deep State qui sévit à Washington. L’état profond est également présent à Bruxelles-Strasbourg, sinon Ursula von der Leyen n’aura pas été réélue.

En 2019, Ursula von der Leyen a été élue présidente de la Commission européenne avec seulement 9 voix de plus que la majorité absolue requise au Parlement européen. Avec le mécontentement croissant de la population face à ses actions punitives sur l’environnement et la mauvaise gestion des migrants, on aurait pu s’attendre à une élection encore plus serrée voire à sa non-reconduction. Au lieu de cela, elle a consolidé sa position grâce à 41 voix de plus que le nécessaire.

Révoltes institutionnelles ?

Pourtant, la veille de l’élection, la Cour de justice de l’UE a estimé que la Commission, sous la présidence d’Ursula von der Leyen, a manqué de transparence dans les contrats d’achat de vaccins contre la Covid. La cour estime que la Commission n’a pas donné au public un accès suffisamment large aux contrats d’achat de vaccins, qu’elle a refusé partiellement de divulguer les déclarations d’absence de conflit d’intérêts des fonctionnaires chargés de négocier ces contrats avec les laboratoires pharmaceutiques et elle a pointé des « irrégularités » dans la gestion de ces achats par la Commission. D’ailleurs, Ursula von der Leyen est convoquée au tribunal de Liège pour l’affaire concernant les négociations de contrats de vaccins le 6 décembre 2024.

De plus, et toujours la veille de l’élection au Parlement, l’utopie hydrogène (voir mon livre du même titre) inventée par von der Leyen a été critiquée par la Cour des comptes soulignant que les objectifs fixés pour 2030 en matière de production et de demande d’hydrogène renouvelable sont jugés trop ambitieux et irréalistes. On n’est pas habitué à lire de telles critiques aussi acerbes : « La dépendance réciproque entre l’offre et la demande relève du problème de la poule et de l’œuf. La compétitivité des industries clés risque de diminuer et de nouvelles dépendances stratégiques pourraient se créer ».

Il n’est pas exclu que la Cour de justice et la Cour des comptes se soient concertées pour formuler de telles critiques à l’encontre de la candidate à la réélection à la veille des élections. Cela indiquerait qu’il existe à Strasbourg un malaise plus profond qu’on ne veut bien l’admettre. Certains savent-ils des choses qui ne peuvent être révélées ? 

Le Green Deal sort renforcé

Depuis qu’il a été proposé, le Pacte vert s’est attiré des critiques de toutes parts. Cette stratégie hydrogène, ridiculisée par la Cour des comptes, n’en est qu’un exemple. Le jour même où les tracteurs déferlaient sur Bruxelles pour manifester l’exaspération des agriculteurs face à cette politique punitive qui se veut écologiste, mais qui est en fait décroissante, la Commission a publié un rapport annonçant un objectif de réduction des émissions de CO2 de 90 % d’ici 2040, puis de 100 % d’ici 2050. Dans ce rapport, elle estime que pour atteindre ces objectifs, l’UE aura besoin d’investir 1 500 milliards d’euros par an à partir de 2031 et jusqu’en 2050.

Eh bien, dans son discours de candidate, elle a confirmé cet objectif utopique, ce qui a convaincu les écologistes de voter pour son renouvellement. Von der Leyen a donc été élue grâce aux votes des écologistes, et elle devra les récompenser pendant les cinq prochaines années. D’ailleurs, Bas Eickhout, leur codirigeant, a qualifié les Verts d’essentiels et a déclaré qu’ils formaient désormais une majorité quadripartite qui continuerait à influencer la Commission. « Elle est la seule au sein du PPE à défendre encore le Pacte vert », a déclaré l’eurodéputé français socialiste Raphaël Glucksmann. L’écologie punitive va donc se poursuivre.

Ceux qui, au sein du parti conservateur ECR, comme Giorgia Meloni, ont critiqué le Pacte vert et ont même appelé à une révision complète des objectifs ont perdu la partie. La présidente du Conseil italien a voulu faire un choix clair de réalisme pour éviter une désertification de la politique industrielle. Pour elle, c’est un élément décisif. La gauche italienne lui a reproché d’isoler l’Italie, mais elle a au contraire maintenu l’engagement qu’elle avait pris devant les électeurs de vouloir changer l’UE. Pour Meloni, il s’agit ici de l’avenir de l’UE, que les conservateurs considèrent comme en danger à cause de cet écologisme excessif. Le signal avait pourtant été donné par les électeurs : les écologistes ont perdu 18 députés européens, passant de 70 à 52 sièges, ce qui représente environ un quart de leur force.

Alors pourquoi, alors que le parti populaire critique le pacte vert depuis un an, que les socialistes, favorables à l’accord vert, ont reculé et que les Verts ont perdu, la stratégie von der Leyen l’a emporté ? Malheureusement, sa reconduction soulève des questions qui ont besoin de réponses si nous voulons — comme moi — éviter le détricotage de l’UE et œuvrer en faveur d’une croissance économique pour tous. Bruxelles-Strasbourg vient de manquer l’occasion d’inverser la destruction organisée de la compétitivité de l’UE (c’est le sous-titre de mon dernier livre). Force est de constater avec amertume que l’État profond existe à Strasbourg avec la complicité du monde des affaires, qui entend prendre avantage des largesses du budget européen pour mettre en œuvre des politiques économiques suicidaires.

Les députés allemands du parti de la présidente de la Commission lui en veulent, car la situation économique de l’Allemagne est évidemment très préoccupante. Ils n’aiment plus le Pacte vert, mais ils ont préféré garder une Allemande, CDU de surcroît, pour dominer Bruxelles. Pour leur faire un geste, elle a inséré dans son programme vert un jargon favorable à l’industrie en parlant d’une « stratégie de réduction des émissions industrielles ». Ce n’est que de la cosmétique, l’UE est verte. Après tout, comment aurait-elle pu admettre de se tromper après avoir prétendu donner une leçon au monde entier en matière de décarbonation ? Malheureusement, elle devra attendre que l’économie s’effondre pour abandonner la destruction organisée de sa compétitivité économique.

Quant à Emmanuel Macron, qui a placé von der Leyen à ce poste, il a poursuivi sa politique destructrice à Bruxelles-Strasbourg comme il le fait en France. C’est à se demander s’il n’est pas masochiste.

MR et Engagés ? Très bien à Namur, mal à Strasbourg

À l’issue de cette période électorale, il nous reste une consolation. La Belgique, et plus particulièrement la Wallonie, a montré sa volonté de changement et le gouvernement actuel a bien l’intention de mettre fin à l’écologie punitive. D’ailleurs, David Clarinval, en dernière réunion des ministres fédéraux avant la pause estivale, vient de « suspendre » à l’octroi de 260 000 euros à des officines écologistes dont le but est d’endoctriner la population. Mais il est étrange que le MR et les Engagés aient voté pour von der Leyen à Strasbourg, tout comme les socialistes et les Verts auxquels ils s’opposent en Belgique. Incompréhensible.