« Nous vivons sans aucun doute un âge de culmination. La science a donné à l’homme une capacité de destruction qui, pour la première fois, pourrait menacer l’existence même de la race humaine. Il est donc impératif qu’en tant qu’hommes rationnels, nous essayions de résoudre nos différends plutôt que d’avancer pas à pas vers une confrontation majeure. En lisant l’histoire des guerres passées et la manière dont elles ont commencé, nous ne pouvons qu’être impressionnés par la fréquence avec laquelle l’échec de la communication, l’incompréhension et l’irritation mutuelle ont joué un rôle important dans les événements qui ont conduit à la décision fatidique de faire la guerre.
À l’ère nucléaire, nous ne pouvons nous résigner à accepter passivement une chaîne de causalité qui semble déterminer d’emblée le cours de l’histoire. Nous savons, d’après votre volonté de discuter de ces questions, que vous n’êtes pas d’avis que ce qui se passe actuellement est prédéterminé et ne peut être influencé par les décisions prises par nos gouvernements. C’est dans cet esprit que je vous écris et que je vous invite à réfléchir sérieusement aux réflexions et aux suggestions contenues dans cette communication. »
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C’est, traduit par l’auteur de cet article, un extrait de la lettre adressée par le Président Kennedy au Président du Conseil des ministres et Premier secrétaire du Comité central du PC de l’URSS, Nikita Khrouchtchev, le 17 juillet 1962, à un moment paroxysmique de la guerre froide. Nous ne pourrions aujourd’hui mieux dire alors que Poutine a menacé de riposter par une attaque nucléaire si l’intégrité de son pays était menacée) et que nous approchons d’un point de bascule dans la guerre de la Russie contre l’Ukraine.
Le chef de l’armée belge, l’Amiral Michel Hofman, par exemple, a affirmé la crainte d’une extension du conflit, et le Président Biden a, quant à lui, lors de sa conférence de presse du 12 décembre avec le Président Zelensky, déclaré que l’Ukraine avait déjà remporté une grande victoire dans la guerre pour avoir fait échec au plan des Russes de conquérir la totalité de son territoire. Elle en a préservé les quatre cinquièmes. Biden a ainsi initié un nouveau récit susceptible de servir de point de départ à la recherche d’un compromis. Sommes-nous au bord d’une spirale infernale ou l’inflexion se fera-t-elle dans le sens d’un retour à la raison ?
« La paix mondiale s’impose. Et elle commence par un retour de la paix en Ukraine », écrit Fabien Bouglé dans Guerre de l’énergie, l’ouvrage dont le précédent épisode de cette chronique proposait la recension. Encore faut-il pour y arriver que les gouvernements et les médias occidentaux cessent de n’afficher que condescendance à l’égard de la Russie et des autres grands pays de ce monde. Jacques Soppelsa et Alexandre Del Valle ne disent pas autre chose dans Vers un choc global, la somme de géopolitique dans laquelle ils défendent la vision réaliste, westphalienne et différentialiste de l’ordre du monde, qui était celle de l’ancien secrétaire d’Etat américain Henry Kissinger.
Mais encore faut-il aussi que l’Europe se libère de sa vassalisation énergétique, que ce soit à l’égard des Etats-Unis ou de la Russie, règle ses querelles intestines concernant l’énergie et en revienne aux objectifs initiaux de la Communauté européenne, à savoir d’assurer un développement harmonieux de l’économie et la prospérité de ses citoyens, et faut-il que cesse le militantisme antinucléaire d’Etat de l’Allemagne qui remet en cause les fondements de l’UE à ses origines.
Le modèle allemand de l’Energiewende, basé sur le gaz russe et puis le charbon (dans la mesure où les énergies renouvelables intermittentes nécessitent le recours à des sources d’énergie supplétives pilotables pour la production d’électricité) ainsi que basé sur l’importation de matières premières de la Chine, constitue un échec flagrant, outre que l’Allemagne a fortement accru ses émissions de gaz à effet de serre et de particules fines. Il est aisé de voir dans la politique énergétique menée par l’Europe et inspirée par l’Allemagne la cause ultime de la guerre en Ukraine et des déchaînements.
Comme l’écrivait le Président Kennedy dans sa lettre reprise en préambule, l’histoire ne suit pas un cours prédéterminé. La guerre n’est pas une fatalité. La paix est du ressort des hommes. Il leur suffit d’en avoir la volonté politique et de s’entendre, pour le plus grand bien de l’humanité tout entière.