Les élections de la semaine dernière ont donné au MR et aux Engagés un mandat clair pour réformer la Wallonie. Il n’en va pas de même pour l’Union européenne, où la majorité sortante a été réélue, le Parti populaire européen (PPE), le parti de la présidente de la Commission, Ursula von der Leyen, se maintenant en place. Toutefois, des changements importants sont intervenus, qui ne manqueront pas d’influencer, voire de modifier, certaines politiques de l’Union européenne.

Des changements à Strasbourg

La majorité actuelle du PPE, les socialistes (appelons-les ainsi pour simplifier) et RENEW Europe seront toujours en mesure de gérer l’UE sans heurts, même si ce dernier, en raison de la défaite des macronistes, se retrouve avec 28 eurodéputés en moins. Mais les deux principaux premiers ministres socialistes, l’Allemand Olaf Scholz et l’Espagnol Pedro Sanchez, ont fait savoir qu’ils souhaitaient remplacer RENEW Europe par les Verts, une position qui relève probablement de la négociation, car on ne voit pas pourquoi un parti qui a perdu 23 sièges devrait intégrer la majorité actuelle.

Il faut noter le changement du centre de gravité politique des institutions européennes, provoqué par le renforcement de la droite, notamment en France, en Allemagne, en Belgique, en Espagne, aux Pays-Bas, etc. À Strasbourg, si les décisions les plus importantes sont prises à la majorité, lorsqu’il s’agit de modifier des textes, ce sont souvent des majorités ad hoc qui prévalent. Le glissement à droite se fera donc sentir sur plusieurs dossiers, notamment ceux liés à l’énergie et à l’environnement.

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Les Conservateurs et Réformistes européens (ECR) sont passés de 69 à 73 sièges et le groupe Identité et démocratie (ID) a gagné 8 sièges pour atteindre 59. On a moins parlé de ce qui s’est passé en Autriche, où le FPÖ est arrivé en tête des sondages avec 26 % des voix et 6 députés sur 20, devançant les partis traditionnels. En Hongrie, Fidesz, le parti de Victor Orbán, a perdu des voix, mais reste le premier parti, mais ayant été exclu du PPE, on attend de voir dans quel groupe il siégera ou s’il restera indépendant. Notons que 45 députés sont actuellement « non-inscrits » et que 52 sont classés dans la catégorie « Autres ». Cependant, de grandes manœuvres sont en cours pour tenter de former un grand groupe des conservateurs.

Giorgia Meloni, la nouvelle vedette européenne

En Italie, il existe une différence significative entre La Lega de Mattéo Salvini et Fratelli d’Italia de Giorgia Meloni. Cela ne les empêche pas de faire partie du même gouvernement, au demeurant, extraordinairement stable pour l’Italie. Pourquoi alors ne pas siéger ensemble à Strasbourg ? Les divergences l’emporteront-elles sur le pragmatisme qui pourrait conduire à la création du deuxième groupe parlementaire à Strasbourg, devant les socialistes ? En prenant en compte l’ensemble de la galaxie de la droite conservatrice, un éventuel supergroupe pourrait obtenir environ 160 députés. Cela permettrait de briser le « cordon sanitaire » qui existait vis-à-vis de la droite extrême et de lui permettre d’obtenir des vice-présidences et des présidences de commissions parlementaires, qui sont réparties proportionnellement au poids des partis. Afin de renforcer sa candidature à la présidence de la France, Marine Le Pen a intérêt à ce regroupement pour gagner la respectabilité que lui donnerait un rôle pour son parti à Strasbourg. C’est pourquoi elle n’a pas hésité à prendre ses distances avec la droite allemande et Vladimir Poutine.

Giorgia Meloni ne cache pas sa volonté de changer l’UE. À la ligne qui a prévalu jusqu’à présent — qu’elle qualifie d’idéologique, centralisatrice, nihiliste, écologique et plus technocratique que démocratique — elle veut introduire sa propre orientation, fière de ses racines chrétiennes, atlantiste et économiquement libérale. C’est sur ce dernier point que la confrontation avec le RN est la plus dure, car ce dernier est étatiste, comme tous les partis français à l’exception de l’éphémère Reconquête. Elle n’a pas caché non plus sa forte hostilité à la décarbonation qui conduit à contrôler la vie des gens (rappelez-vous son combat contre l’obligation des véhicules électriques). D’ailleurs, même Ursula von der Leyen lui a laissé entendre qu’elle était prête, maintenant que Frans Timmermans n’est plus là, à reconsidérer certains points de la transition énergétique…

Qui dirigera la prochaine Commission européenne ?

Mais Ursula von der Leyen sera-t-elle là pour détricoter son pacte vert ? Il faudra attendre pour connaître la réponse à cette question qui hante tout le monde tant cette personne divise, précisément à cause de son imposition du Pacte vert et, accessoirement, à cause de son procès à venir en octobre sur les vaccins Pfizer. 

L’article 17, paragraphe 7, du traité de Lisbonne stipule que c’est le Conseil européen (les chefs d’État et de gouvernement) qui propose, à la majorité qualifiée, le président de la Commission. À huis clos, ils choisissent un candidat issu du parti le plus important à Strasbourg, en l’occurrence le PPE, auquel appartiennent douze des vingt-sept membres du Conseil européen. Mais d’autres critères entrent en jeu, l’actuel commissaire français, Thierry Breton, semblait par exemple furieux que le PPE puisse obtenir à nouveau la présidence. Il n’est donc pas certain que Mme von der Leyen soit reconduite dans ses fonctions. Et si l’on considère également que les gouvernements slovaque, hongrois, finlandais, suédois et néerlandais n’aiment pas la politique d’Ursula von der Leyen… le jeu est donc ouvert !

Ensuite, le candidat qui sera choisi à la majorité qualifiée (15 États membres représentant 65% de la population)  lors du Conseil européen du 27/28  juin devra être élu par le Parlement européen, or des Allemands du parti de von der Leyen ne lui pardonnent pas d’avoir démoli leur économie à cause de la transition énergétique. De plus, si un supergroupe de droite se forme, il ne manquera pas de perturber cette élection.

Comme en Wallonie, beaucoup de choses devraient bientôt changer à Bruxelles-Strasbourg, pour le bien de la Wallonie et de l’UE. Comme je l’ai déjà écrit, rendez-nous l’UE qui travaille pour la prospérité de tous. Comme le disait Georges-Louis Bouchez, que les ingénieurs remplacent les rêveurs qui ont détruit l’économie du continent qui fut jadis la maison de la science, du progrès et de la fraternité.