Si les Houthis attaquent la navigation internationale dans le détroit qui sépare la péninsule arabique de la Corne de l’Afrique, ce n’est pas pour défendre les Palestiniens, mais pour « embêter » l’Occident. Ce dernier devrait de toute urgence dénoncer fermement le véritable commanditaire :
la République islamique d’Iran.
Les tensions dans le détroit de Bab el-Mandeb sont préoccupantes. Au moins douze navires civils ont été attaqués avec des drones et des missiles par les Houthis, un groupe armé, politique et théologique du Yémen qui porte le nom de son fondateur, le prédicateur islamique Hussein al-Houthi. Les compagnies maritimes envisagent de faire le tour de l’Afrique pendant 12 à 15 jours pour éviter cette zone à risque. Les États-Unis et leurs alliés s’apprêtent à déployer des navires dans la zone dans le cadre d’une opération militaire baptisée « Prosperity Guardian ».
En 2000, François Lamoureux, alors mon directeur général de l’énergie à la Commission européenne, déclarait avec son sens de la formule : « Si le détroit d’Ormuz est bloqué, le lendemain, le monde entier roulera à vélo ». C’était une exagération qui avait du sens. Aujourd’hui, elle n’est plus d’actualité, puisque la révolution du pétrole et du gaz de schiste a eu lieu aux États-Unis et que de nombreux pays produisent de plus en plus de pétrole et de gaz. Mais cette formule reste utile pour sensibiliser aux points chauds du transport maritime international.
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Les trois points chauds
Il en existe trois principaux : le détroit d’Ormuz entre la péninsule arabique et l’Iran, le détroit de Bab el-Mandeb entre la Corne de l’Afrique et le Yémen, qui relie la mer Rouge au golfe d’Aden, et le passage de Malacca entre la Malaisie et l’île de Sumatra. Ces zones maritimes sont délicates en raison des risques de piraterie et d’accidents maritimes, mais aussi en raison des tensions géopolitiques.
90 000 navires sillonnent les mers ; 80 à 90 % des marchandises voyagent sur les océans. En 40 ans (1980 à 2020), le tonnage des porte-conteneurs est passé de 11 millions de tonnes (Mt) à environ 275 Mt. En 2020, il y avait environ 17 000 cargos, 12 000 vraquiers, 8 000 pétroliers, 6 000 chimiquiers, 5 400 porte-conteneurs et 2 000 méthaniers.
Une grande partie du pétrole mondial passe par Ormuz, mais la majeure partie s’écoule vers l’est, en direction de l’Asie. Le gaz naturel liquéfié du Qatar et des Émirats arabes unis passe également par-là, alimentant l’Asie et l’UE. Le passage par Bab el-Mandeb, la mer Rouge et le canal de Suez est l’une des voies maritimes les plus fréquentées au monde, avec plus de 22 000 navires en 2022. Le canal rapporte 13 milliards de dollars par an à l’Égypte, dont la majeure partie finance le budget de l’armée.
Panama ou Suez ?
Avec quelque 13 000 navires par an, le canal de Panama, qui relie l’océan Atlantique au Pacifique, est aussi stratégique que Suez. Mais il connaît aussi des embouteillages, en raison de la croissance du trafic et du développement extraordinaire de la vente de gaz de schiste des États-Unis vers les marchés d’Asie et de l’ouest de l’Amérique du Sud. Les armateurs qui ont besoin de transporter des marchandises vers ou depuis la côte est des États-Unis à destination ou en provenance d’Asie, plutôt que d’attendre parfois dix jours pour traverser ce canal, préfèrent traverser l’Atlantique, c’est-à-dire passer par Suez, Bab el-Mandeb et l’océan Indien.
À ce sujet, notons que depuis les attaques des Houthis, on nous montre des cartes pour illustrer le long voyage qu’il faut faire en naviguant au large du Cap de Bonne Espérance, mais ces voies s’étendent systématiquement vers l’Europe. Or, ce n’est pas vrai. Une grande partie du trafic qui passe par Suez se dirige aussi vers l’Amérique, et donc s’il faut éviter Bab el-Mandeb, l’Afrique du Sud sera également contournée par les navires de et vers la côte est des Amériques. C’est pourquoi Suez, et donc Bab el-Mandeb sont d’une importance capitale pour l’ensemble du commerce. Il est donc urgent de mettre fin à l’agression des Houthis contre la libre circulation maritime, reconnue par le droit international.
Le bluff des Houthis
Les pétroliers et les méthaniers qui passent par Bab el-Mandeb transportent des hydrocarbures produits par des pays arabes. Si les forces houthies ont déjà attaqué une raffinerie saoudienne en mars 2021, il est peu probable qu’elles s’en prennent, par exemple, à des méthaniers transportant du GNL qatari. Parmi les pays arabes, seul Bahreïn a accepté de rejoindre le projet « Guardian of Prosperity », car ils semblent craindre les conséquences d’une prise de position qui serait perçue comme favorable aux Israéliens et aux Américains.
Les Houthis n’ont aucun intérêt pour les Palestiniens. Ils ne sont que les mandataires des Iraniens, créant le chaos pour déstabiliser les alliés d’Israël. Nikki Halley, candidate à l’actuelle primaire républicaine, vient de souligner qu’aucun pays arabe ne s’intéresse aux Palestiniens, « personne n’en veut », ni les Houthis ni les Iraniens.
L’armada internationale doit donc être rapidement déployée pour réduire la puissance des terroristes au Yémen, c’est-à-dire la République islamique d’Iran. Maintenant que le pétrole et le gaz sont abondants, et que la COP28 reconnaît leur rôle décisif dans le développement des pays en croissance, il n’y a plus de risque de devoir faire du vélo. Cependant, la paix mondiale exige que les points chauds de la navigation internationale soient exempts de tout acte de piraterie, qu’il soit mafieux ou islamiste.
Montesquieu a écrit dans son ouvrage L’Esprit des lois « L’effet naturel du commerce est de porter à la paix. Deux nations qui négocient ensemble se rendent réciproquement dépendantes : si l’une a intérêt d’acheter, l’autre a intérêt de vendre ; et toutes les unions sont fondées sur des besoins mutuels ».
Toutes ?