Je donnais la semaine dernière, à Strasbourg, une conférence sur la transition énergétique. Cette transition énergétique qui, depuis la Commission présidée par Barroso, est devenue le nouveau paradigme de l’Union européenne : un objectif prioritaire, un impératif catégorique, une quête sacrée qu’aucun être sensé ne devrait jamais remettre en cause.
Impossible définition
Je remets en cause cet objectif. D’abord, parce que la transition énergétique est indéfinissable. D’aucuns la conçoivent comme le fait d’ajouter de nouvelles sources d’énergie (vent et soleil, pour faire bref) aux anciennes (fossiles, nucléaire, pour faire tout aussi bref). D’autres exigent de remplacer les sources anciennes par les sources nouvelles.
Dans l’histoire, on n’a jamais fait qu’ajouter de nouvelles sources aux anciennes. Ce que l’UE exige, pourtant, est de remplacer les anciennes par les nouvelles.
Pourtant, à bien y regarder, même l’UE ne parvient pas à s’accorder sur une définition de la transition énergétique. Il existe en réalité deux théories européennes de la transition : la première radicale, la deuxième extrême.
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Radicale ou extrême ?
La théorie radicale exige de remplacer les sources anciennes d’énergie (fossiles) par de nouvelles sources (vent, soleil), tout en maintenant voire développant le nucléaire. La théorie extrême exige par surcroît d’abolir aussi le nucléaire, pour un horizon ‘100% renouvelable’ cher aux écologistes belges, allemands et français.
Jusqu’il y a peu, l’UE donnait sa faveur à la théorie extrême, qui est celle des Allemands. On dira ce que l’on veut des Allemands, mais quand ils embrassent une idéologie, ce n’est jamais à moitié. Depuis Schröder, Merkel et la catastrophe naturelle de Fukushima, dont les écologistes allemands ont fait de l’or électoral, l’Allemagne a décidé d’abolir le nucléaire en plus du fossile pour les remplacer par le vent et ce soleil qu’on associe si ‘naturellement’ à l’Allemagne qu’on peut la traverser de part en part sans jamais en voir la couleur.
Mais dans le même temps l’Allemagne reste une puissance industrielle. Il est donc rapidement apparu que si l’Allemagne pouvait se passer du fossile (en partie) ou du nucléaire, elle ne pouvait pas se passer des deux. Et c’est ici que se montre le caractère purement idéologique de l’écologisme, car lorsqu’il fallut choisir, les écologistes ont exigé qu’on sacrifie d’abord le nucléaire, fût-ce au prix de l’ouverture de nouvelles centrales à lignite — de toutes les sources d’énergie, la plus polluante et la plus émettrice de CO2.
Ce qui explique que l’Allemagne émet aujourd’hui, en 2024, dix fois plus de CO2 par unité d’énergie produite que la France. Dix fois !
Or, rappelons-le, toute la transition énergétique n’a jamais été justifiée que par la volonté de réduire les émissions de CO2 — pour limiter le réchauffement. Quand une politique ne produit pas les effets escomptés, généralement on se pose des questions. Mais quand une politique produit l’inverse des effets escomptés, il serait peut-être temps de se remettre autour de la table pour la réviser !
La vision allemande de la transition énergétique est si extrême, délirante, contrefactuelle, qu’on a du mal à croire que cette politique, eh bien l’Allemagne a réussi à l’imposer à l’ensemble de l’Europe durant de longues années.
Fessenheim
Rappelons-nous Fessenheim ! Fessenheim est cette centrale nucléaire française à forte capacité, qui aurait pu continuer à produire de l’électricité propre à bas coût pendant des décennies, que le président français Macron décidait néanmoins de fermer dès l’entame de son premier mandat. Alors qu’aucun motif technique ni de sécurité ne le justifiait, des travaux de rénovation venaient d’y être menés avec succès. Alors, pourquoi cette fermeture ? Eh bien, parce que l’Allemagne l’exigeait ! Fessenheim étant proche de la frontière allemande, l’Allemagne tout à sa haine du nucléaire prit sur elle d’exiger la fermeture de Fessenheim ! Autant pour l’idée d’une Allemagne qui aurait renoncé à son passé impérialiste. Ce cas flagrant d’impérialisme idéologique et énergétique n’en fut pas moins couronné de succès. C’est tout le parc nucléaire français que le premier Macron souhaitait désinvestir, pour le remplacer par… mais oui, vous l’avez deviné, du soleil et du vent ! Détruisant ainsi le seul avantage comparatif de l’économie française par rapport à l’Allemagne !
Vint l’invasion de l’Ukraine, et la fin du gaz russe pas cher pour l’Allemagne. Mesurant l’insondable bêtise de l’auto-sabotage du nucléaire français, M. Macron adoptait sans ciller une politique à l’exact opposé de son premier mandat : le maintien de tout le parc nucléaire, et même son renforcement. L’Allemagne, désormais en mauvaise posture, n’avait plus ni les ressources ni la crédibilité pour s’y opposer.
Ce qui mena à la révision de la taxonomie européenne, qui traite désormais le nucléaire comme source d’énergie d’avenir, à favoriser au même titre que le vent et le soleil. Triomphe de la solution radicale sur la solution extrême.
En finir avec le diktat énergétique européen
Pourtant, même cette solution radicale (qui est déjà un progrès sur l’extrémisme allemand) ne tiendra pas la route. On confond constamment le mix énergétique et le mix électrique. Si on peut se passer du fossile au niveau électrique, il est catégoriquement impossible de s’en passer dans le mix énergétique global (se chauffer, se déplacer, construire, etc.).
Les élections européennes de juin offrent l’opportunité de tourner le dos aux fadaises et mirages de la transition énergétique par diktat. On ne réforme pas les lois de nature par diktat. L’actuelle transition énergétique, même incluant le nucléaire, impose de détruire des pans entiers de nos économies et de notre agriculture, tout en bafouant et brimant les libertés dans tous les domaines.
L’Europe pèse 9% des émissions mondiales de gaz à effet de serre. Même si la transition énergétique était menée à bien en Europe — ce qui n’arrivera jamais — cela ne changerait strictement rien à la croissance des émissions de CO2 dans le reste du monde. La récente COP28 en est la vingt-huitième illustration : hors l’Europe, personne n’a l’intention de réduire ses émissions de CO2, donc casser son développement, au nom des lubies idéologiques européennes.
Par conséquent, la seule politique rationnelle est de nous préparer dès à présent et nous adapter au réchauffement observé. Ce qui, selon les données du GIEC, se fera sans impact économique majeur.