Le procès qui devait couronner d’apothéose une courte carrière usante en coup de poing, avant qu’il puisse quitter la pression constante et s’installer sur une île exotique « entouré de deux jolies femmes pour boire des cocktails avec une paille ». Laissant ses dernières saillies en héritage pour son client (des « gesticulations » pour « La Libre »), plus courtoises que jamais, évoquant un acte d’accusation « sciemment tronqué » et « un pseudo-djihadiste plutôt pochetron à la limite du retard mental ». Cet irrépressible instinct de provocation était la marque de fabrique du plaideur de talent. Un signe qui le distinguait de tout autre car ni Sven Mary, ni Jacques Vergès, pour prendre d’autres avocats du diable, n’allaient aussi loin. Bon sang ne saurait mentir, il était le fils stagiaire du bouillonnant Michel Graindorge. Sa dernière formule méchante hors palais : « pour moi le parquet fédéral, c’est les talibans », avait d’ailleurs valu une nouvelle plainte du Procureur à charge de l’histrion. Avec un sens aigu du réalisme, il n’était pas plus tendre pour ses confrères : « la plupart de ceux qui ne m’aiment pas sont des crevards, qui ne parviennent pas à avoir un gros dossier, à faire une plaidoirie correcte même après 20 ans et je ne parle même pas d’un bon résultat ». Il ne ratait jamais ceux qui lui en voulaient, ceux qui « écrivaient la nuit tombée à la lumière de leur lampe à pétrole leur petite lettre au bâtonnier ». Pour lui les avocats d’un autre style aux mandats à l’université (Kennes, Monville, de Beco, …) étaient plutôt des « avocats de salon », qui ne venaient pas faire la bagarre dans le prétoire. Mais « il y a une autre moitié des confrères qui m’idolâtrent et je fais des petits. J’en lance un tous les 3 à 4 ans ». Une « maffia Courtoy » comme on disait ? Si elle existe, elle pleure aujourd’hui son parrain. Virginie Taelman, Jonathan De Taye, Stanislas Eskenazi, Kamran Najib, Michel Degrève seront présents pour l’adieu à l’église. Ils entoureront Yasmine, sa compagne devenue clerc de notaire, qui a perdu son « plus grand avocat de tous les temps ». Anne Decortis, la fidèle des premières heures qui vient d’être nommée magistrate à Mons, inconsolable, n’a pour sa part jamais craint de réaffirmer l’indéfectible amitié. Yannick De Vlaeminck a eu le courage d’avouer que s’il avait de l’affection pour son collègue, tout le monde n’allait pas le pleurer. C’est sans doute de Beco qui aura visé le plus juste : « le fait qu’il meure si jeune et de façon inattendue le caractérise bien ». Courtoy, l’homme des nuits blanches aux lunettes noires et qui avait la banane, vénérait Lou Reed. Il en avait écrit tout un article dans « le journal des avocats ». « C’est « la mort d’un punk » disait opportunément Me Mathieu Turbang à Tony Chalot dans Sud Presse. Laquay plus littéraire pointait « le Cyrano de Bergerac du barreau ».
Le journaliste Didier Haine, le confident, tenait encore à rappeler tout ce que ses détracteurs ne diront pas sur lui. S’il n’est pas mort comme un rocker à 27 ans, il a partagé le même destin funeste d’avant la cinquantaine de l’autre grand de la plaidoirie bruxelloise qu’était Frédéric Clément de Cléty, en compagnie duquel il scrute d’en haut toutes les éloges qu’il attendait. Courtoy, le fils de bonne bourgeoisie catholique, n’avait qu’un seul credo : « obtenir l’acquittement pour mon client et la gloire pour son avocat ». Comme pour la statistique qu’il aura connue en termes de résultats, le barreau se partage de moitié sur le halo indéniable laissé par l’avocat.