Dans mon ouvrage « Énergies, mensonge d’État », j’avais déjà pressenti le revirement des institutions financières majeures quant à leurs engagements climatiques. Aujourd’hui, ce phénomène s’amplifie et se manifeste avec une acuité croissante, corroborant mes analyses sur les antinomies intrinsèques entre les impératifs de rentabilité financière et les ambitions affichées de décarbonation.
La grande finance tourne le dos à la décarbonation
BlackRock, le colosse de la gestion d’actifs, vient de se retirer de la Net Zero Asset Managers Initiative (NZAM), une alliance internationale de sociétés de gestion œuvrant pour la neutralité carbone. Vanguard, second dans la hiérarchie des gestionnaires d’actifs, avait déjà pris ses distances avec l’alliance NZAM fin 2022. Ces défections mettent en exergue la propension grandissante des institutions financières à s’affranchir des engagements climatiques.
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Cette décision s’inscrit dans le sillage du retrait de six banques américaines — JPMorgan, Citigroup, Bank of America, Morgan Stanley, Wells Fargo et Goldman Sachs — de la Net-Zero Banking Alliance (NZBA), une initiative analogue dédiée au secteur bancaire. Ce mouvement balaye les promesses climatiques jadis clamées haut et fort par ces géants de la finance.
Dans une lettre adressée à ses clients institutionnels, le géant de la gestion d’actifs, qui administrait au 30 septembre 2024 un portefeuille record de 11,475 milliards de dollars, explicite que son adhésion à la NZAM avait « engendré une ambiguïté quant aux pratiques de BlackRock » et l’avait exposé à des « investigations judiciaires émanant de diverses autorités publiques ». L’évolution du soutien de BlackRock aux propositions d’actionnaires sur les questions ESG (Environnementaux, Sociaux et de Gouvernance) illustre de manière frappante ce changement de cap. La chute spectaculaire de ce soutien, passant de 47 % en 2021 à seulement 4 % en 2023, témoigne d’un revirement stratégique significatif.
En effet, depuis 2020, BlackRock se trouve confronté à un double défi. D’une part, l’entreprise fait face à des exigences accrues de ses actionnaires, peu enclins à sacrifier leurs rendements financiers au profit de la décarbonation puisque les émissions de CO2 ne sont pas une priorité en dehors de quelques pays de l’OCDE. D’autre part, BlackRock subit des pressions de la part de politiciens conservateurs américains, se manifestant sous diverses formes : poursuites judiciaires, enquêtes réglementaires et mouvements de boycott. Une dizaine d’États américains ont intenté des actions en justice contre les initiatives climatiques auxquelles participaient les institutions financières, car ces programmes violent les lois antitrust, nuisent au développement des énergies fossiles et entraînent une augmentation des coûts énergétiques.
La décision s’inscrit dans une tendance plus large de réévaluation des engagements ESG par les institutions financières. Au cœur de cette problématique se trouve la responsabilité fiduciaire des gestionnaires d’actifs envers leurs investisseurs. Cette obligation légale et éthique les contraint à privilégier la performance financière et la gestion des risques. Dans ce contexte, ces acteurs financiers recentrent leurs priorités sur la garantie d’un rendement optimal pour leurs clients.
Quand donc les banques de l’UE prendront-elles conscience de la situation et mettront-elles un terme à la dilapidation des fonds que les citoyens européens leur confient ?
L’UE à contre-courant : les conséquences inattendues de l’obsession climatique
La frénésie de la décarbonation de l’UE conduit à des incongruités, comme l’illustre le cas du groupe automobile Stellantis. Ce dernier se voit contraint d’acquérir des crédits carbone auprès de Tesla, ce qui érode davantage la rentabilité du groupe (ce n’est pas étonnant que son PDG ait été limogé) et accroît les revenus du constructeur américain. Tandis que l’UE dans son obstination, pénalise - détruit ! - l’industrie automobile, des acteurs financiers majeurs tels que BlackRock, JP Morgan et d’autres se désengagent progressivement de la lutte pour la décarbonation. Observons que ce n’est même plus une lutte contre le changement climatique étant donné que les émissions mondiales de CO2 ne cessent de croitre. Cependant, les médias subventionnés se gardent bien d’en faire état, préférant critiquer constamment des personnalités telles que Donald Trump, Elon Musk et Giorgia Meloni.
Si l’on ajoute à cela l’équivalent européen de l’ESG américain, à savoir la directive sur le rapport extrafinancier concernant la responsabilité des entreprises, qui vise à renforcer et harmoniser les obligations de transmissions de donnée en matière de durabilité pour pratiquement toutes les entreprises au sein de l’Union européenne, on ne peut que s’interroger sur la destruction organisée le la compétitivité de l’UE, thème central de mon ouvrage. Qui osera s’élever contre cette politique qui prévoit des sanctions pouvant atteindre 10 millions d’euros, ou 5 % du chiffre d’affaires annuel global de l’entreprise qui n’obéit pas aux injonctions vertes.
De BlackRock à Audi : chronique d’un désengagement annoncé
Cette obsession de la décarbonation pénalise lourdement l’industrie automobile, comme en témoigne, de manière particulièrement frappante en Belgique, la fermeture de l’usine Audi de Forest. Cependant, il convient de noter que la désindustrialisation du secteur automobile ne suscite pas une désapprobation unanime. À cet égard, l’économiste Étienne de Callataÿ, fréquemment sollicité par la RTBF, a exprimé une opinion divergente dans les colonnes de La Libre Eco du 9 janvier 2024 : « Quitte à paraître cynique et complètement antisocial…, je ne vais pas pleurer sur la fermeture d’Audi… Des voitures, il y en a trop, tout le monde le sait. Il faut qu’il y en ait moins. La solution n’est pas dans plus de voitures. Manque de pot, ça tombe chez nous. Est-ce que je vais pleurer pour la fermeture d’une entreprise qui produit des SUV, des monstres automobiles ? Où sommes-nous ? … C’est une industrie déclinante ».
Compris ?