On pourrait légitimement se demander si les pérégrinations mentales du bourgmestre de Bruxelles sur le plateau du Heysel ne relèveraient pas plus de l’expertise psychiatrique que de la vision urbanistique. Un diagnostic que l’on aurait pu, à défaut de comprendre, généraliser aux écolos quand ils faisaient encore majorité. Avec le MR+ (ah ce petit « + » !) dans la coalition, même avec le retour du président Courtois, l’observateur reste interdit. Au Heysel, ça fait déjà 14 ans que ça dure.
Installez-vous, ça va être gourmand. Après Néo, ses cousins 1 et 2, le stade, nouveau ou à rénover, les implantations, sportives ou autres, à inaugurer sans avoir vu le jour, les nouveaux logements non réalisés, les voiries flamandes interdites, les pétitions vent debout des habitants du quartier, la guerre flamando-heysélienne des surfaces commerciales, les parcs petits ou grands, la piscine à ciel ouvert finalement annulée, la destruction du Mémorial Vandamme puis son maintien, l’évaporation des 2,5 millions de visiteurs de Brupark (et la mise au chômage d’une centaine d’employés), la délocalisation des matches des Diables Rouge ou d’Israël, les rodéos urbains, les routes barrées et les dealers… on en passe et des meilleures ! Cette zone nourrit toutes les ambitions du PS mais sa mise en oeuvre reste, pour rester poli, artisanale.
Mais cela bouge enfin, ou encore… Faisons aujourd’hui bon accueil au Master Plan Confex ! A dire vrai, le plateau du Heysel, ce n’est plus un projet de la capitale de l’Europe mais la chocolaterie de Willy Wonka.
Qu’en termes crus ces choses-là sont dites
Si l’on se réfère aux quelques articles parus de-ci de-là, le nouveau plan, présenté cette fois par Brussels Expo, ça ne s’invente pas, est un modèle de logique et de développement urbain qu’il serait bien vain de vouloir critiquer. Et c’est vrai qu’à lire la presse mainstream, tout cela fait sens :
rénovation des Palais du Heysel, surtout le numéro 5 qui accueillera un Palais des Congrès (ex Néo 2 mais sans hôtel international) pour la somme modique de 330 millions. Du concret, du raisonnable.
A lire plus loin, on comprend vaguement qu’il y a un second volet au masterplan, soit pour un montant de 420 millions… un investissement, comme le note pudiquement l’Echo, « moins prioritaire, (et qui) porte sur la rénovation de l’ensemble des autres palais et des abords du site ».
L’ensemble Confex devrait alors coûter 750 millions tel qu’annoncé la semaine dernière. Mais tout en douceur.
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Comme c’est drôle…
La magie des chiffres sans doute : si l’on compulse l’historique de cette fameuse saga, et toujours selon l’Echo, « les budgets 2012 de Néo1 (logements, bureaux, loisirs) et Néo 2 (centre de convention et hôtel) » représentaient des budgets respectifs de 600 et 150 millions d’euros. Oh la belle bleue ! Encore ce chiffre magique de 750 millions ! Mais en 2025, pas d’hôtel, pas de logements, pas de bureaux, pas d’infrastructures de loisirs… Et insistons un brin sur cette hypothétique « rénovation des autres palais et des abords du site ». Comme disait Coluche, la bonne taille c’est quand les pieds touchent par terre. L’inflation sans doute.
Bal tragique des réalités
Ces petits effets de spatule masquent mal une sauce que même le bourgmestre Philippe a du mal à faire prendre. Aujourd’hui, la région bruxelloise et même la ville de Bruxelles sont des objets économiques en perdition. Qu’importe que l’on relie cela à la notion de faillite, à la diminution des lignes de crédit, à la fuite des banques… Quel que soit le descriptif, il paraît clair que le contexte économique ne permet plus de rouler des mécaniques. Et c’est sans aucun doute pour cette seule raison que Close « envisage de laisser un investisseur privé entrer dans la danse. » Monsieur le bourgmestre est trop bon.
Car aux étages inférieurs, c’est la même bérézina : Brussels Expo est aussi sous perfusion depuis le Covid et, diront les mauvaise langues, depuis la perte de quelques salons emblématiques comme le Seafood parti à Barcelone après 27 ans de présence ou la régression en taille du salon de l’auto ou de Batibouw dont certaines sections internationales ont déménagé ailleurs ou encore la disparition de certains congrès médicaux européens qui alternaient entre différentes villes, dont Bruxelles, et qui ont modifié leurs rotations pour exclure la ville-monde du camarade bourgmestre.
En attendant retour à meilleure fortune, les équipes réduites de Brussels Expo sont sous perfusion de la ville de Bruxelles et se tiennent occupées dans des activités aussi essentielles que la décoration des braderies ou l’accueil des futurs vaccinés. Tout est dans tout dans ce jeu de bonneteau :
la ville asperge Brussels Expo qui se maintient la tête hors de l’eau à force de missions biscornues tout en collaborant avec des hôpitaux, eux-mêmes cautionnés par… la ville de Bruxelles. C’est sain, c’est frais, c’est original : c’est du circuit court.
Ruines chics
L’autre réalité, qui n’est pas directement financière et dont nous nous faisions l’écho voici exactement 24 mois, en mars 2023, c’est que les Palais des Expositions sont en piètre état : des blocs se détachent et la sécurité du site dans son ensemble laisse à désirer. Peut-être une autre (bonne) raison d’aller voir à Barcelone plutôt que d’organiser quelque chose à Bruxelles ? Evidemment, à l’époque, pas question d’aller renflouer ces vieilleries alors que, le mot le dit, Néo ouvrait ses petits bras malingres au futur. Rappelons-nous toujours que la Maison du Peuple du camarade Horta a été détruite par le même type de visionnaires architecturaux.
Mais revenons à ce conseil communal un peu houleux de mars 2023, où majorité PS-Ecolo contre opposition MR discouraient pour les Palais des Expositions d’un budget de rénovation de 150 à 200 millions d’euros… Alors que, de l’aveu même du bourgmestre Close, des interventions d’environ 72 millions au cours des 10 dernières années avaient déjà été à peine suffisants pour maintenir les édifices.
Le mensonge de la coalition d’alors vaut bien les petits arrangements de la coalition d’aujourd’hui : avec le volet « moins prioritaire » décrit la semaine dernière, il nous est confirmé qu’il faudra bien 420 millions d’euros pour rénover les palais « et leurs environs ». Soit près du double de ce qui était annoncé voici à peine 24 mois. A ce rythme, Néo, pardon Master Plan Flex, n’a pas fini de nous étonner. En tout cas, niveau finances, le nouveau nom commercial est trouvé : après Néo, bienvenue Noé !
Foster Laffont