Mutinerie de Wagner en Russie : que faut-il en retenir ?

Mutinerie en Russie
L’ évènement restera probablement dans l’histoire de la Russie comme une des mutineries militaires les plus rapidement avortée que le pays ait vu. L’homme d’affaire Evgueni Prigojine, ainsi qu’une partie des troupes composant sa Société Militaire Privée (SMP) après avoir accusé l’état majors russe de tir alliés, prennent, le 23 juin dernier, possession du quartier général de Rostov-sur-le-Don. Dans la foulée, dans la journée du 24, un convoi de quelques milliers d’hommes est envoyé en direction de Moscou. Ils finiront par faire demi-tour pour, selon Prigojine, « éviter un bain de sang ». Quelles en étaient les motivations véritables ? Qu’en est-il des conséquences de cet acte qualifié de « coup de poignard » par l’exécutif russe ? Analyse.
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Contrairement à ce qu’ont certains médias occidentaux, il ne s’agissait pas du début d’une guerre civile, bien que le président Poutine, y ait fait allusion dans son discours du 24 juin. Il s’agissait avant tout de l’explosion de rivalités personnelles et d’un refus de se soumettre de la part du chef de Wagner, Evgueni Prigojine. Et pour cause …

L’actuel ministre de la Défense Sergeï Choïgou et Prigojine nourrissent une rivalité depuis un certain nombre d’années puisqu’ils dirigeaient des SMP concurrentes (Patriot/Wagner) il fut un temps. C’est en partie pour cela que, lorsque le ministère de la Défense demanda aux différentes milices de faire signer à leurs forces des contrats avec l’armée, Wagner fut la seule SMP à refuser catégoriquement. Il est intéressant de voir en terme chronologie, que le délai laissé à Wagner venait à échéance début juillet, soit deux semaines après ce « coup d’état » donc.

Il est également un autre aspect qu’il est important de garder en tête : tout tend à indiquer que Prigojine s’attendait à recevoir un soutien plus important de la part du commandement militaire et des troupes au front, ayant acquis, notamment grâce à la prise de Bakhmout, une excellente réputation. Ce soutien qui n’est jamais arrivé le persuada sans doute de faire demi-tour, en plus des négociations avec le Kremlin, par l’intermédiaire du président Biélorusse Loukachenko, une connaissance de longue date.

Du côté occidental, de nombreux organes de propag…  de presse ont d’abord appelé de leur vœux une guerre civile grâce aux « freedom fighter » de Wagner qu’ils appelaient « barbares sanguinaires » seulement 3 heures plus tôt. Penser qu’une prise de pouvoir de cette sorte était positive pour l’Ukraine et le camp occidental était idiot. La faction dont Prigojine aurait dû être l’héritier est bien plus violente et nationaliste que ne l’est le pouvoir actuel. Les observateurs sérieux s’accordent à dire qu’il s’agissait plutôt d’une hostilité envers le pouvoir militaire, le pouvoir du président n’était en tant que tel, pas pointé du doigt par les mutins.

Du côté des réseaux pro-russes occidentaux, on évoque la théorie de la « Maskirovka », une doctrine militaire de « camouflage » lqui consiste à réaliser de fausses opérations de communications ou militaires, afin de répandre la confusion chez l’ennemi. Bien que ce soit effectivement une tactique utilisée au sein des forces armées russes, il apparaît évident qu’il ne s’agit pas ici d’une tragédie grec grandeur nature, mais bien d’un réel incident militaire qui a, si pas déstabilisé les autorités russes, au moins eu des conséquences non négligeables.

En ce qui concerne Evgueni Prigojine, il a peu ou prou, tout perdu. Bien que le Kremlin ait consentit à quelques-unes de ses exigences, notamment la démission de Choïgou et de Guérassimov (toujours en place à l’heure où ces lignes sont écrites) ainsi que le redéploiement d’une bonne partie des forces de Wagner sur les théâtres d’opérations africains. On assiste, en effet dans la foulée de la mutinerie à un quasi-démantèlement de la SMP. Ceux se trouvant encore sur le théâtre ukrainien ont signé (ou signeront) avec l’armée et ceux sur les théâtres africains seront beaucoup plus étroitement contrôlés par l’armée.

Quant à Prigojine, il est désormais en exil en Biélorussie (aux dernières nouvelles), mais il ne sera certainement pas l’acteur politique qu’il aurait pu devenir s’il avait mangé son chapeau, si l’on en croit les propos de l’économiste et expert de l’union soviétique, Jacques Sapir.

En ce qui concerne Vladimir Poutine, il est certain que cet incident n’est pas anodin non plus pour son pouvoir. D’un côté, il a dû plier face à une menace armée non négligeable que représentait les mutins. De l’autre, il apparaît comme un homme capable de gérer rapidement une crise grave sans devoir verser le sang ce qui, dans le passé proche ou lointain de la Russie, n’est pas chose courante.

On a également pu voir de nombreux dirigeants lui apporté leur soutien, ce qui conforte le pays dans ses « relations » cordiales avec ses alliés et partenaires commerciaux.

La Une

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