L’observateur bruxellois était passé un peu vite sur la condamnation, le 14 mars dernier, de « l’État belge, la zone de police Bruxelles-Capitale /
Ixelles et la Ville de Bruxelles, par le biais du bourgmestre et chef de la police Philippe Close ». En cause, des violences policières et une technique, la fameuse « nasse », qui ont conduit 11 jeunes interpellés à saisir la justice. Retour sur cet épisode lors du conseil communal du 22 avril dernier.
Bien sûr, tout le monde avait déjà été choqué, entre autres événements de la période surréaliste du Covid, par la charge de la brigade légère sur les bobos du Bois de la Cambre, épuisés par les politiques absconses de l’époque. Etudiants pour la plupart, ils n’avaient guère porté plainte contre le fait de se faire piétiner par les bourrins de la maréchaussée… On parle des chevaux.
Dans le cas d’espèce, nous sommes toujours en période Covid en cette fin janvier 2021 et la manifestation incriminée, si elle n’exigeait pas un retour à une certaine « normalité » des réunions, manifestait en revanche contre la « justice de classe » et « les abus policiers »… Les participants allaient être servis.
La nasse
Premier reproche du Tribunal à l’encontre de cette méthode que l’on constate de plus en plus souvent : la fameuse « nasse ». Prenons la définition de la Ligue des droits de l’homme puisque le Tribunal a jugé que les comportements des forces de l’ordre étaient contraires à certains de ses articles.
Ainsi, « la nasse consiste à priver plusieurs personnes de leur liberté de se mouvoir au sein d’une manifestation ou à proximité immédiate de celle-ci, au moyen d’un encerclement par les forces de l’ordre qui vise à les empêcher de se rendre ou de sortir du périmètre ainsi défini.»
Pour faire court, le Tribunal ne reconnaît aucun cadre légal à cette méthode et, mieux encore, conclut que cette technique a été « ordonnée et exécutée en violation de l’article 5 paragraphe 1er de la Convention européenne des droits de l’Homme ». Oufti.
Entre autres galéjades, le tribunal estime aussi que la détention « sans motif exact d’arrestation » constitue « un traitement inhumain et dégradant au sens de l’article 3 de la Convention européenne des droits de l’Homme ». N’en jetez plus.
Parce que c’est mon Droit
C’est la Team Fouad Ahidar, par la parole du conseiller Mourad Maimouni, Ecolo-Groen via Rajae Maouane et Bruno Bauwens (PTB-PVDA) qui font (res)sortir le sujet du chapeau et espèrent, un peu hypocrites mais c’est de bonne guerre, que « leur » bourgmestre n’ait plus à se retrouver dans cette triste position de condamné. Après tout, c’est de l’image de la ville dont il s’agit, tonnerre de Brest !
Et ça, ça ne plaît guère au rugbyman en charge. Un peu carré sur ses mâchoires arrière, Close fait ce qu’il fait d’habitude quand il n’est pas content : il lit un communiqué. « Nous avons décidé de porter l’examen de ce dossier devant la juridiction d’appel (…) dans la mesure où cela reste un droit fondamental. (…) Quant à la technique du confinement,
« une réflexion a été menée par les services de la police. Cette procédure est maintenue. » Une amélioration, dixit le bourgmestre : une période de préavis pendant laquelle les policiers seraient encouragés à informer les « nassés » qu’ils peuvent quitter la zone.
Ensuite, tout aussi important, « une réflexion rigoureuse sur l’usage des menottes », notamment chez les mineurs, l’existence de menottes textiles (avec des couleurs ?), dont la disponibilité hasardeuse semble être liée aux « règles en matière de marchés publics » et la mise en place de formations pratiques et théoriques sur le sujet.
Enfin, en ce qui concerne de potentiels malaises, il serait envisagé que les centres d’incarcération bénéficient de la présence d’un membre du personnel médical tandis que, bien entendu, en ce qui concerne la vétusté des installations «d’accueil», tout aussi contraire aux droits de l’homme, un projet de rénovation devrait voir le jour… Un jour. Mais c’est la faute de la régie des bâtiments qui ne fait rien ou pas grand-chose. C’est du moins ce que nous en avons compris.
Bref, si vous êtes cardiaque et que vous n’aimez pas les traces de vomi sur vos Church’s, évitez d’aller manifester.
Technique jugée illégale… toujours utilisée
Bauwens réagit : « On va en appel parce qu’on a le droit d’aller en appel ». Nous n’allons pas contredire ce fait. Eh oui, la plupart des manifestations se passent bien à Bruxelles. Mais il faut des principes plus stricts : continuer à utiliser la technique de la nasse parce que la loi n’est pas claire… ? C’est donner un mauvais signal aux policiers qui font bien leur travail. La zone de police est condamnée et votre réponse c’est d’aller en appel parce qu’on peut aller en appel… On aimerait entendre autre chose. Les policiers veulent bien faire leur boulot et cet objectif implique qu’un certain nombre de pratiques illégales disparaissent.
Statistique : la ville perd 2 procès sur 3
«Systématiquement, la ville de Bruxelles va en appel», enchaîne le conseiller Maimouni, «mais elle perd 2 fois sur 3». Et cela coûte des centaines de milliers d’euros par an. «J’aurais aimé entendre comme réponse : utilisation de bodycam, meilleure gestion du stress…» et il ajoute, mais on ne comprend pas bien s’il s’adresse aux policiers impliqués ou au bourgmestre, « Donnez du pouvoir à un frustré et on en fait un dictateur ».
Rajae Maouane n’est pas plus tendre : « Est-ce que je vous ai bien compris, la technique de la nasse est illégale, mais continuera à être utilisée après avoir été un peu modifiée ? »
Philippe Close, légaliste auto-proclamé, bourgmestre de Bruxelles et chef de la police le confirme : « Cette technique est en cours d’évaluation mais elle pourra continuer à être utilisée ».
L’incident est clos.
Foster Laffont