C’est un nouvel épisode dans la saga du #SMSGate. Ce vendredi 15 novembre, dans la salle d’audience de la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE), les avocats de la Commission européenne affrontaient ceux du New York Times. L’UE s’est-elle mise à genoux devant le Big Pharma ? C’est toute la question.
Des messages fantômes…
En avril 2021, le New York Times dévoile dans une parution que von der Leyen et le président de Pfizer, Albert Bourla, auraient échangé des textos autour de la négociation de mirobolants contrats relatifs à 1,8 milliard de doses de vaccins covid. Le quotidien suggère leur production. Il s’appuie sur un règlement européen de 2001 relatif à l’accès public aux documents des institutions de l’UE. Un an après la demande formulée auprès des services de l’Ombudsman, la Commission européenne ne sera pas en mesure de clarifier si ces messages existent. Entretemps, Ursula von der Leyen affirme qu’elle les aurait « perdus » (sic !). Mais la farce est loin d’être terminée.
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… qui existent quand même
Les demandes répétées du New York Times pour avoir accès à ces messages n’ont jamais abouti. D’où la présente procédure. Et à suivre l’audience, il y avait de quoi rester sans voix. D’abord, « est-ce que ces SMS existent ? », questionne l’avocat de la Commission européenne, Miguel Buron Perez. Soit il ne connaît pas son dossier, soit il est de très mauvaise foi. Cela a bel et bien été confirmé le 10 octobre 2022, lors de l’audition de Janine Small (responsable des marchés internationaux chez Pfizer) par la Commission spéciale COVI « leçons à tirer et recommandations pour l’avenir » du Parlement européen, à Bruxelles.
Un archivage sélectif
Pour défendre l’attitude de l’exécutif européen, Miguel Buron Perez avance ensuite que « si ces messages avaient été échangés, ils ne pourraient pas être considérés comme documents officiels de l’UE et n’auraient donc aucun besoin d’avoir été archivés ». Ah bon ? « La Commission qui est capable d’acheter un logiciel pour détruire ses archives plaide qu’elle n’est pas capable d’enregistrer toutes les télécommunications de ses fonctionnaires, même pas celles de sa présidente ? La NSA (National Security Agency) le fait pourtant très bien ! », rétorque l’avocat du New-York Times.
La faute à pas de chance
Mais Buron Perez n’en démord pas et présente alors un nouveau storytelling :
« von der Leyen aurait peut-être aussi changé de téléphone en 2022 en oubliant de transférer les données vers le nouveau ». « La défense de la Commission est de plus en plus insultante pour notre intelligence », rétorquent les avocats américains devant une addition d’explications nébuleuses à l’ère du stockage de données.
Circulez, y a rien à voir !
Petite piqûre de rappel : La transparence est l’un des principes clés des Traités. Il exige de l’UE qu’elle divulgue les informations relatives à l’élaboration de ses politiques et à ses dépenses et qu’elle respecte le principe de la liberté d’information. Et ces principes ont été rappelés en 2022 par Emily O’Reilly, la médiatrice européenne chargée d’enquêter sur le Pfizergate. Son rapport sera sans équivoque : « La gestion de cette affaire par la Commission de l’Union européenne laisse l’impression regrettable d’une institution européenne qui n’est pas ouverte sur des questions d’intérêts publics hautement stratégiques. Ces SMS concernent l’un des plus gros achats de l’Histoire de l’UE avec des fonds européens. Ils doivent être produits au nom de la loi sur la transparence ». Son enquête critique se heurtera aussi à une fin de non-recevoir de la part de la Commission européenne.
Corruption et prise illégale d’intérêt
Si la décision du tribunal de l’UE n’est pas attendue avant plusieurs mois, un autre volet de cette affaire est très attendu. Frédéric Baldan, un lobbyiste liégeois accrédité à l’UE, a déposé plainte en mars 2023, devant les juridictions belges, contre Ursula von der Leyen, Albert Bourla et Pfizer pour « usurpation de titres, destruction de documents publics, corruption et prise illégale d’intérêt dans le cadre de la négociation et de la conclusion des contrats d’acquisition des vaccins anti-Covid-19 ». Les motivations ? Baldan estime que les finances publiques belges ont été lésées par ces négociations. Sur les 40,4 millions de doses de vaccins reçues par la Belgique fin 2022, 27,9 millions provenaient de Pfizer, ce qu’il considère comme un privilège accordé à l’entreprise américaine. Il souhaite que le juge d’instruction puisse « réquisitionner les SMS » et pas seulement les « demander ».
Vers une levée d’immunité
A sa plainte se sont jointes la Pologne et la Hongrie, ainsi que près de 2500 autres plaignants. C’est la première fois que von der Leyen est attaquée à titre personnel sur ce dossier. Si elle a bien agi secrètement et hors mandat, elle a violé le code de bonne conduite des fonctionnaires européens et pourrait voir son immunité levée. Le dossier d’instruction fait 1800 pages. C’est dire si l’enjeu est de « taille », d’autant plus qu’il se dit en coulisse que le juge liégeois Frédéric Frenay, réputé pour ronger un os quand il le tient, semble cette fois vouloir aller jusqu’au bout (cela change !). L’audience est fixée au 6 décembre prochain devant la Chambre du Conseil du Tribunal de première instance de Liège.
Malgré les procédures qui la chargent, soulignons qu’Ursula von der Leyen n’a, à ce jour, personnellement jamais comparu devant aucun tribunal. Une présidente pour le moins au maximum de sa transparence !