L’immobilier s’enlise dans les contradictions administratives
Plus de cinq millions de mètres carrés de terrains à bâtir en Belgique sont en attente d’un permis qui ne leur est toujours pas délivré en raison de procédures lentes et complexes mais aussi des multiples recours qui y sont souvent associés.
C’est l’Union professionnelle du secteur immobilier (UPSI) qui le dit et qui estime en outre que le nombre d’emplois qui pourraient être activés sans ces retards s’élèverait à 120.000 et que le manque à gagner de l’Etat belge atteindrait six milliards d’euros !
Comme d’habitude et manifestement dans le déni, nos courageux politiciens bottent en touche !
Premier sur la balle, avec sa candeur wallonne, Willy Bossus affirme pourtant, sur base des derniers chiffres de Statbel, que les permis atteignent des records… manifestement, on n’a pas les mêmes, voici les nôtres, les plus récents de Statbel :
Lisez votre journal numérique et accédez à tous nos articles réservés aux abonnés.
A PARTIR DE 6€/MOISSans engagement.
Abonnez-vousDéjà abonné ? Connectez-vous
Au mois de novembre 2023, la statistique la plus récente disponible, des permis de bâtir ont été délivrés pour la construction de 1.958 bâtiments résidentiels. Par rapport à octobre 2023, cela représente une diminution de 21%. En Région flamande, la baisse s’élevait à 20,7%. Le nombre de permis de bâtir octroyés pour la construction de bâtiments résidentiels a reculé en Région wallonne de 21,1% pour atteindre 457 unités. En Région de Bruxelles-Capitale, des permis de bâtir ont été octroyés en novembre pour la construction de 6 bâtiments résidentiels, contre 15 bâtiments lors du mois précédent. De manière plus générale, les permis de bâtir octroyés en Belgique ont chuté de 9,7 % durant l’année 2022 et le nombre de permis de bâtir octroyés pour la construction de bâtiments résidentiels a diminué de 9,7% en 2022 par rapport à 2021 !
On se demande où le brave Willy trouve-t-il matière à se réjouir ?!
La lenteur des procédures
Alors d’où vient le problème ? Une fois de plus dans les contradictions entre les différents niveaux de pouvoir ainsi que dans la lenteur ubuesque et les complications à l’extrême des procédures pour obtenir des permis de bâtir !
En moyenne, selon l’UPSI, la durée d’attente pour la délivrance d’un permis de bâtir s’élève à trois ans et 10 mois en Flandre, quatre ans en Wallonie et cinq ans et huit mois à Bruxelles. Ces retards interminables ne profitent évidemment à personne. Selon nos sources et différents témoignages de professionnels du secteur (qui préfèrent garder l’anonymat pour éviter les retour de bâton punitif des instances politiques… oui, oui, nous sommes en Belgique démocratique !), ces délais seraient mêmes largement sous-estimé, c’est tout dire !
Dans cette incompétence doublée d’inconséquence, l’État se prive dès lors bêtement de solides recettes puisque (toujours selon l’UPSI) près de 47% des ventes et construction de ces projets immobiliers à l’arrêt aboutiraient dans les caisses des pouvoirs publics… c’est le chat qui se mord la queue !
Comment en est-on arrivé là ? Une fois encore par la propension naturelle de la gauche bien-pensante à stigmatiser et pénaliser les méchants capitalistes que sont tous les promoteurs immobiliers et les nantis propriétaires. Si on y ajoute les normes hallucinantes que les Ecolos inventent au quotidien pour brider cet odieux marché, on ne s’étonne plus de l’état délabré de notre économie ni du découragement qui (dés)anime notre entrepreneuriat.
Toujours les mêmes pour les mêmes raisons
Ainsi, un important promoteur très actif dans le nord du pays nous dit :
« Les postes décisionnaires en matière d’urbanisme dans les administrations sont toujours entre les mêmes mains ! », celles de fonctionnaires politisés indéboulonnables ! Par ailleurs, son constat général pour le secteur relève également une conjoncture difficile affectée par les obstacles au financement, les délais ubuesques d’obtention des permis de bâtir et les coûts de la construction rendus volatiles par l’instabilité géopolitique que nous traversons. Sans parler des méandres folkloriques entre les administrations ou des lubies de certains mandataires qui compliquent inutilement des procédures déjà trop souvent rocambolesques ! Pour l’anecdote et pour l’exemple, citons un certain Pascal Smet (alors toujours en fonction) qui, par susceptibilité esthétique, aurait annulé du jour au lendemain un projet bruxellois en préparation depuis 7 ans ; ou encore une ministre du gouvernement Jambon, Zuhal Demir pour ne pas la nommer, qui bloque gratuitement (pas pour tout le monde !), au noble motif de sauver une parcelle de sable, un projet de 7 hectares lancé en 2018 sur un terrain pourtant préalablement habilité par les autorité communales de La Panne à être bâti… Les exemples de nos incohérences politiques ne manquent pas !
De son côté, un autre professionnel du secteur en région bruxelloise dénonce l’aveuglement dogmatique d’une certaine caste, la légèreté des décisions prises par des fonctionnaires psychorigides et omnipotents, tout comme le ping-pong incohérent que se livrent les communes et les régions dans un imbroglio de mesures et sanctions contradictoires ! A tel point qu’à chaque fois qu’un recours est introduit par un promoteur martyrisé, il le gagne ! Mais le mal est fait et rien ne change !
Vous vous souvenez du grand ramdam orchestré autour du déménagement pharaonique de nos fonctionnaires d’élite vers leur nouveau Centre Administratif au centre de la capitale ? Un ambitieux projet immobilier équilibré avait été préparé pour y ajouter une dimension socio-culturelle et urbanistique cohérente… il attend toujours son permis de bâtir depuis 2011 !
De qui se moque-t-on ?
Petit baume au cœur, on nous dit également que la commune de Woluwé Saint Lambert, les Maingain en tête, a octroyé récemment un permis pour une importante promotion immobilière en seulement 5 mois… Enfin une éclaircie dans la grisaille, comme quoi, quand on veut on peut !
Dans ce surréalisme à la belge, Bruxelles tient, comme souvent, la palme du ridicule même si nos sources néerlandophones se veulent rassurantes : « La Flandre ne fait pas mieux ! », nous dit-on… Mais cela est-il réellement de nature à nous rassurer ?