2024, Bonana* Congo !
Denis Kadima est tourné en dérision au Congo via les réseaux sociaux. Son portrait circule sous cette question: «Imaginez un instant que Kadima soit l’organisateur de votre mariage». Un cauchemar. L’homme incarne la catastrophe. Les différents scrutins, de l’échelon communal au plus haut niveau, ont tous été très mal organisés. Et comme tout un chacun s’attendait à une carence absolue, c’est-à-dire pas d’élection du tout, il résulte de la surprise de la tenue de celles-ci que la carence relative passe pour un succès. Gardons toutefois le sens de la mesure: si en Russie, par exemple, le standard congolais d’autosatisfaction avait marqué un seul scrutin électoral, l’indignation aurait atteint une dimension cataclysmique. D’ailleurs, Vladimir Poutine avait été fustigé pour beaucoup moins que ça. Imaginons en outre qu’à Bruxelles, ce 9 juin 2024, les élections se tiennent le 10 juin 2024…
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Mais s’agissant du Congo, l’on s’attend à l’incurie. Les Congolais feraient bien de s’interroger au sujet de l’attitude internationale envers eux: pas l’ombre d’une crédibilité au point que le moindre progrès ravisse quiconque n’imaginait plus qu’il puisse y en avoir. N’est-ce pas, en soi, un sujet majeur d’autocritique en perspective de développement ? Or, la désorganisation globale découle de l’ensemble du microcosme politique, y compris l’opposition en ses polémiques stériles et ses manœuvres de complication du processus d’organisation. Il y aurait beaucoup à dire à cet égard: l’observation de la chronologie est édifiante.
Dans ce contexte désolant pour le pays, la position de Denis Kadima est particulièrement navrante: «Je me demande ce qui est le moindre mal. Est-ce de permettre aux Congolaises et Congolais d’exercer leur droit constitutionnel de vote ? Ou aurions-nous dû tout arrêter comme le dit la loi ?». Il faut se pincer pour s’assurer d’avoir bien entendu. Durant cinq ans, l’instauration de l’État de droit avait été vantée pour, au stade ultime, se prévaloir d’une violation délibérée de la loi afin de prétendre au succès. C’est dingue. Dans le cadre légal, les bureaux de vote, dans leur ensemble, n’étaient pas fonctionnels aux heures prévues. Sans décision légale de report, le constat s’impose: les élections se sont tenues postérieurement à l’échéance légale. Et l’on a néanmoins sous les yeux Denis Kadima qui pavoise. Spectacle hallucinant d’un pilote automobile franchissant la ligne d’arrivée le lendemain du championnat. Un vainqueur, ça ? Entre autres, Martin Fayulu s’indigne en soutenant qu’il n’y a pas eu d’élections. Il est vrai que le dépassement du cadre légal, au motif du droit constitutionnel de vote prévalant sur la loi, aurait dû être décidé par voie juridictionnelle et non par la CENI. Qu’importe l’indignation théoricienne, les électeurs ont voté, dans le vide juridiquement parlant, mais ils ont voté; du moins un certain nombre d’entre eux. Le rituel voulu par la communauté internationale est accompli; l’opposition est ainsi renvoyée à elle-même, au néant. On ne lui connaît que des gesticulations théâtrales, pratiquement pas de travail parlementaire. Personne n’a de temps à perdre avec elle, et certainement pas pour une question de formes juridiques.
En réalité, c’est un choix stratégique majeur imputable à Félix Antoine Tshisekedi Tshilombo. Conscient des carences locales, le Chef de l’État a été de l’avant. La décision d’aller aux élections à la date prévue, coûte que coûte, a été un coup de génie politique. Le fait est qu’il y a eu des élections. Un autre fait est que les griefs, relatifs à la situation congolaise, n’ont aucune chance d’être pris en compte par les décideurs internationaux, pragmatiques avant tout. Exit ses challengers, Félix Antoine Tshisekedi Tshilombo est aujourd’hui reconnu en tant que vainqueur. Maintenant, il lui revient de rebattre les cartes. L’on murmure à Kinshasa qu’il serait déterminé à mieux s’entourer afin de mener une action plus volontariste en matière d’enseignement notamment. Souhaitons-le pour le pays ! 2024, bonne année ? Bonana* !
* « Bonana » est une expression congolaise qui signifie « Bonne année »