Dès la file d’attente à l’aéroport de Roissy Charles de Gaulle, un premier contraste apparaît. Parallèles l’une à l’autre, la file d’attente pour la première classe est constituée presqu’exclusivement d’adultes blancs et celle pour la seconde de familles noires avec une nombreuse marmaille.

A l’arrivée, après les applaudissements d’usage des passagers et l’annonce du personnel de cabine que ceux-ci ne peuvent emporter les couvertures (!), la première impression est spectaculaire. 

Venant de la grisaille pluvieuse et d’un froid anormal pour un début juillet sous nos contrées, le ciel est bleu et dégagé, la couleur de l’eau présente toutes les nuances du bleu et du vert et la végétation est luxuriante avec des collines couvertes de grands arbres tropicaux, de cocotiers et de bananiers. C’est beau comme une carte postale du 20ème siècle, idyllique même et je me dis qu’un tel paysage, accablé par la chaleur tropicale, comporte tous les ingrédients de l’harmonie et du bonheur.

Mayotte se compose de deux îles. Petite terre où se trouve l’aéroport et Grande terre où vit 90% de la population. On s’y rend par une barge et on découvre l’impressionnante mangrove, devenue si menacée à travers la planète, qui borde cette partie de l’île.

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Quittant Mamoudzou, le chef - lieu du département - Mayotte a ce statut depuis 2011 - et prenant la route du nord pour rejoindre mon poste de santé, la seconde impression est que nous sommes davantage dans un pays africain qu’en France ! 

Certes, Mamoudzou peut faire un peu illusion, la proportion de blancs y est un peu plus importante, les enseignes des banques, des concessionnaires automobiles et de certains magasins sont françaises, la signalisation routière et les bornes kilométriques sont les même qu’en métropole, mais pour le reste, parcourir le pays ressemble à l’expérience d’autres pays africains,

Hors de la capitale, 99% des habitants sont noirs et musulmans. La religion imprègne l’espace dans chaque village avec ses mosquées blanches dont le minaret dépasse les maisons à un étage. Les femmes sont voilées, parfois aussi les très jeunes filles. J’en vois quelques-unes, très peu cependant, avec le visage totalement couvert.  La plupart des hommes de plus de 40 ans portent le kandzu, une longue robe traditionnelle blanche et le Kofia, une sorte de casquette au bord vertical sans visière. C’est un signe de respect envers Dieu qui symbolise l’âge et la sagesse. Partout, l’appel à la prière retentit cinq fois par jour (et me réveille chaque nuit !). Avant la départementalisation, comme on dit ici, l’ensemble du droit familial (mariages, divorces, conflits, héritages, …) était régi par la loi islamique et par des cadis, des magistrats musulmans.  Le passage d’un droit musulman coutumier à celui de la République ne s’est pas fait sans problème et, on le verra, a eu un impact sur la violence dans l’île.

Le long de la route, on voit un nombre impressionnant de véhicules brûlés ou détruits, laissés sur place comme un témoignage de la violence qui règne sur l’île. Les bas-côtés, les parkings improvisés, les emplacements des points de vue magnifiques sur la mer - la RN 1 longe la côte - sont remplis de détritus en tout genre, surtout des bouteilles en plastique. Dans les villages, ce n’est pas mieux et le bord de mer de ceux-ci ressemble à un dépotoir. Affligeant, au milieu de cette superbe nature, mais difficile d’en rejeter la faute au désintérêt de la métropole, un refrain que j’entendrai souvent ! 

Les villages commencent sur la plage et montent sur les collines et, comme ailleurs en Afrique, sont parsemés de maisons en construction inachevées.

Comme ailleurs en Afrique, des hommes assis devant leur maison ou en grande conversation en pleine journée semblent n’avoir rien d’autre à faire. Des groupes de jeunes garçons uniquement (aucune fille) paraissent tout aussi oisifs, mais nous sommes en période de vacances scolaires.

Toutes les femmes sont habillées en boubou traditionnel. Tradition sur le continent africain, des petites échoppes tenues par des femmes vendent quelques maigres légumes peu attrayants, des vêtements traditionnels mais fabriqués en Chine et d’autres produits asiatiques sur le bord de la route. Plusieurs de ces femmes sont enduites d’un m’sindzano, un « masque de beauté », une espèce de poudre qui leur donne un aspect plutôt maléfique. Certaines cuisinent à même la rue dans de grandes marmites en fer, comme au Congo mais pas comme en France métropolitaine. J’apprendrai vite d’ailleurs à me souvenir que, si officiellement nous sommes en France, aux dires de mes différents interlocuteurs, nous serions plutôt « en métropole » et pas « en France » … la distinction est notable !