Makutano, simple a.s.b.l., emprunte à l’Histoire américaine le souvenir du développement volontariste d’envergure, le New Deal qu’elle promeut… le financement en moins.
Cela peut prêter à sourire, car le Président Roosevelt n’aurait jamais pu relancer l’économie anéantie par le krach boursier de 1929 avec cette seule idée, à l’instar de Makutano aujourd’hui. À l’époque, d’importants investissements gouvernementaux avaient permis de redresser la situation. Comme d’hab, le New Deal à l’africaine, c’est le modèle sans les moyens. Cependant, n’en sourions pas trop vite, car au-delà de ce fétichisme américano-centré, le Makutano est une alternative pragmatique au défaut de politique assumée financièrement. Les entreprises concernées sont invitées à se faire connaître, et c’est un réseau d’affaires qui se constitue dans le secteur privé. Deux axes primordiaux : l’éducation et le leadership féminin.
La pérennité est déjà un progrès en soi
Cette initiative perdure depuis 2015, et elle se traduit par son neuvième forum annuel. En elle-même, cette régularité est déjà un progrès. Le microcosme politique y est convié, atavisme africain renvoyant aux chefs. C’est également une nécessité locale : quiconque entreprend se retrouve rapidement confronté aux prédateurs à moins de jouir de protection. Il revient à la Première ministre, Judith Suminwa Tuluka, de prononcer l’ouverture du forum 2024. L’un des groupes de discussion est très couleur locale : « L’économie de la rumba », un genre musical dont les Bakongos revendiquent la paternité. D’autres se focalisent davantage sur le rôle des femmes pour le développement : « Cash is queen : femmes, finances et prise de pouvoir », « Ces femmes qui osent bousculer et transformer l’Afrique », « Vers un new deal inclusif : le rôle central des femmes » et enfin « Speed dating autour des instruments et appuis financiers et techniques dédiés aux femmes entrepreneurs ».
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Les thèmes abordés dépassent l’éducation et le leadership féminin.
Ils sont parfois interpellants : « Pour une banque d’investissement publique 100% congolaise », une attente qui laisse songeur au regard de celui-ci, « Rentabilité des entreprises publiques, c’est pour quand ? ». L’on n’échappe pas au constat de l’échec de l’économie dirigée : « Où en est-on avec le Grand Inga ? En attendant Inga, l’heure des mini-réseaux ? ». Le projet pharaonique INGA du Maréchal Mobutu qui rêvait de fournir l’électricité à toute l’Afrique subsaharienne, n’a jamais couvert les besoins du pays et est actuellement dans un état pitoyable. Mieux vaudrait sans doute des mini-réseaux de production d’électricité. Et, en cette perspective, le développement du secteur de l’hydrogène constituerait un atout de plus. Congolais éclairé, c’est le cas de le dire, le Professeur Kasongo Numbi tente d’éveiller les responsables politiques à ce sujet. En vain ! Il prêche dans le désert. Comment expliquer que ces derniers ne parviennent pas à comprendre qu’une Nation disposant d’eau, l’une des deux plus riches du monde, peut devenir le premier producteur mondial d’hydrogène ? La mentalité locale incline à en demeurer aux vieux réflexes, et ce forum ne s’en dégage pas comme son programme de discussion le révèle : « Riche sous-sol congolais cherche minier pour l’exploiter ».
Et l’hydrogène, aucun lien avec l’électricité ? Triste aveuglement !
Le service de la fiscalité de la Banque centrale du Congo qualifie de grandes entreprises celles dont le chiffre d’affaires est supérieur à 400.000 dollars. Chiffre d’affaires, c’est dire qu’en termes de bénéfices, elles sont d’un niveau insignifiant. La BCC en recense un millier à peine, dix fois moins qu’il y a 64 ans et de structures financières plus faibles qu’à l’époque ; l’héritage colonial a été presque totalement détruit. Espérons qu’avec le temps, l’initiative privée parviendra à constituer une classe sociale d’entrepreneurs, hommes et femmes (laissons les autres variantes aux mouvances décadentes occidentales), une régénération économique et culturelle où le travail sera reconnu au titre de vecteur de développement. Graduellement, de Makutano en Makutano, d’action d’entreprise en action d’entreprise, le marché se constituera et deviendra lui-même porteur de succès collectif. Un New Deal par étape !