La désignation de Michel Barnier comme Premier ministre de la France offre à nos malheureux voisins un répit. Comment ne pas éprouver de l’empathie pour ces commentateurs qui s’enthousiasment face à l’élocution de Michel Barnier, la mise de Michel Barnier, le phrasé de Michel Barnier, l’élégance de Michel Barnier et l’ironie de Michel Barnier ? Comme si l’arrivée dudit Barnier marquait le retour de la France de Pompidou ! 

Or, non. Probablement la désignation de Barnier apparaîtra-t-elle dans quelques mois — semaines ? — comme péripétie, étape, anomalie, note infrapaginale au chaos créé par Emmanuel Macron. On ne reviendra pas sur les stations du chemin de croix infligé à la France par son président, désormais connues : la dissolution, que personne ne demandait et dont Macron a décidé seul, du fond de son puits d’inspiration (lui), la victoire du RN au premier tour, les désistements de la gauche et d’une certaine droite au profit des nervis de France insoumise, enfin la victoire (relative) de la gauche soumise à l’infâme Mélenchon au second tour.

Par Barnier ou par le Saint-Esprit, la France est ingouvernable. Pas de façon conjoncturelle : structurellement. Aucune dissolution ne peut être prononcée endéans l’année, il n’existe pas de majorité praticable au sein de l’Assemblée et cette assemblée ne représente pas la France. 

Barnier formera un gouvernement. Mais que peut un gouvernement sans majorité ? Deux options s’offrent à lui. La première consisterait à détacher la gauche « modérée » des psychopathes de la France insoumise, pour les joindre au centre macroniste et au centre-droit. Mais cela n’arrivera pas. Car le groupe socialiste comporte des élus qui se damneraient plutôt que soutenir « la droite » et que la plupart des élus socialistes et écologistes doivent leur siège au principe de l’union de la gauche. Or, cette union serait désintégrée en cas de collaboration avec « la droite ».

La deuxième option pour M. Barnier serait de former une majorité avec l’ensemble de la droite, RN compris, et une fraction significative du centre macroniste. Mais cela n’arrivera pas non plus. D’abord parce que 99% des Macronistes iraient en enfer plutôt que gouverner avec « l’extrême droite ». Ensuite, parce qu’une certaine droite française — celle des Xavier Bertrand, Edouard Philippe — refuse de pactiser avec le RN. La gauche communie avec France insoumise, le parti le plus ouvertement haineux d’Europe depuis le NSDAP, quand la droite refuse d’envisager de s’entendre avec un parti, le RN, dont le programme gentillet est celui du RPR des années 80s. Ainsi va la droite, en France (comme en Allemagne).

La France est donc ingouvernable. Quand Barnier aura échoué, viendra probablement le tour d’un Premier ministre de gauche. Qui tentera de gouverner avec l’extrême-gauche, la gauche, une fraction du centre macroniste et cette frange de la droite — celle des précités Xavier Bertrand, Edouard Philippe — toujours prête à trahir. Deux obstacles : Mélenchon, qui ratiocine que le chaos le propulsera vers la présidence (non), et cette partie de la gauche qui tombe en syncope à l’idée de gouverner avec l’ « extrême droite » c’est-à-dire tout qui n’est pas eux.

Madness in great ones must not unwatch’d go. « La folie des grands ne doit pas être ignorée » : Polonius, voyant Hamlet sombrer dans l’absurde.