La 79ème assemblée générale des Nations Unies vient d’être le théâtre de nombreux discours creux. Le contraste entre les discours d’Alexandre De Croo, Benyamin Netanyahu et Javier Milei est frappant. Analyse.  

Le discours de Benyamin Netanyahu a été l’un des plus suivis, puisqu’il annonçait clairement qu’il allait poursuivre l’offensive destructrice contre le Hezbollah. Sorti rapidement de l’hémicycle, il est allé donner l’ordre de frapper Nasrallah et sa cohorte pour les anéantir. Il n’a pas hésité à critiquer vivement l’ONU, en précisant que tant qu’Israël ne serait pas traité comme les autres nations, elle serait considérée par les gens justes comme « rien de plus qu’une farce méprisante », en raison de sa partialité systématique contre Israël.

L’Argentine contre la bureaucratie onusienne

Le président argentin, Javier Milei, a été plus critique encore que Netanyahu. Il a bien fait l’éloge des 70 premières années de l’organisation, qui est parvenue à gérer les conflits et à limiter, même si pas toujours parfaitement, les guerres, du moins celles qui dépassent le cadre de conflits bilatéraux. Il a reconnu que les fondateurs des Nations unies avaient eu raison de croire qu’il était possible de maintenir la paix et d’éviter des conflits globaux par le dialogue.

Cet article est réservé aux abonnés

Lisez votre journal numérique et accédez à tous nos articles réservés aux abonnés.

A PARTIR DE 6€/MOIS

Sans engagement.

Abonnez-vous

Déjà abonné ? Connectez-vous

Cependant, la seconde partie de son discours, bien plus longue, a été un réquisitoire très dur dans lequel il a qualifié l’ONU d’organisation défaillante dirigée par des bureaucrates internationaux qui imposent des politiques socialistes et idéologiques. Il a décrit l’ONU comme un « Léviathan à tentacules multiples » qui cherche à dicter non seulement les actions des États-nations, mais aussi la manière dont les citoyens du monde devraient vivre. Selon Milei, l’ONU a perdu sa crédibilité en s’éloignant de sa mission initiale de maintien de la paix pour imposer un agenda « vert ».

Le nouveau pacte pour l’avenir du monde

Milei s’en est pris au document « Pacte pour l’Avenir », signé par presque tous les États à l’occasion de cette Assemblée générale, charte que lui a refusé de signer. La Russie et l’Inde, pays BRICS que Milei n’a pas voulu rejoindre, s’opposent aussi à ce énième pacte qui oblige toujours plus les États à danser comme l’ONU siffle. Face à l’échec du multilatéralisme à résoudre les guerres et à empêcher l’augmentation des émissions mondiales de CO2, cette nouvelle charte de presque 100 pages est une initiative pour tenter de sauver cette institution obsolète. Elle décrit avec minutie comment par le biais du multilatéralisme imposer 56 actions couvrant de nombreux domaines, comme la réforme des institutions financières internationales, la lutte contre le changement climatique, le désarmement et même le développement de l’intelligence artificielle. Il vise à donner un nouvel élan aux Objectifs de développement durable et à l’Accord de Paris sur le climat, tous deux en échec. 

Ensuite, Milei, dans son style flamboyant et fier de ses positions libertariennes, a critiqué l’ONU qui chercherait à subvertir la souveraineté nationale, à porter atteinte à la liberté économique et à empêcher toute critique des institutions internationales et bien entendu d’imposer l’écologisme politique. Milei a invité les nations du monde libre à se rebeller pour établir un nouvel agenda pour l’ONU, axé sur la liberté et la souveraineté nationale. Il a également annoncé que l’Argentine abandonnerait sa position de neutralité historique et se positionnerait à l’avant-garde de la défense de la liberté. Il a cité Bastia en soulignant que le commerce devait être considéré comme un instrument de paix (les armes se taisent lorsqu’il y a un libre-échange). Il a donc proposé un programme de « liberté » contre le collectivisme, l’écologisme et la posture « woke ».

De Croo n’a pas compris que le monde a changé

À l’inverse, le discours du Premier ministre belge, membre d’un parti se prétendant libéral, très éloigné du libéralisme de Milei, a paru obsolète. Alexander De Croo fidèle à la tradition belge politiquement correcte a insisté pour la énième fois sur l’urgence climatique en appelant à une action collective renforcée et a plaidé pour un renforcement des engagements pris lors des Accords de Paris. Il rêve de contrôler le climat de la Terre, alors que les émissions de CO2 ne cessent d’augmenter, car elles sont nécessaires pour la compétitivité et la prospérité. « Ce n’est pas le moment de désespérer et de revoir nos ambitions à la baisse », a-t-il dit, en vue de la COP 29 sur le climat à Bakou, en Azerbaïdjan en novembre. Il feint d’ignorer que la Belgique représente 0,3 % des émissions mondiales de CO2. Peut-être qu’à la COP99 il admettra qu’il est temps d’arrêter les vaines incantations.

Dans une politique convenue, le Premier ministre démissionnaire a abordé la question des droits de l’homme, réaffirmant ainsi l’engagement de la Belgique à défendre ces droits universels. Banal. Il a estimé que « ce serait une erreur » de penser que le multilatéralisme a échoué, pourtant cet échec était bien au centre de cette AG. Pour s’autoconvaincre, il a évoqué la signature du Traité sur la protection de la haute mer. On est en pleine candeur. D’évidence, Netanyahu et Milei sont les seuls à avoir une vision stratégique pour l’avenir.

Quel avenir pour les Nations unies ?

La divergence entre ces trois discours montre que l’ONU est à un tournant. Le Belge, en plein déni en matière de compétitivité et de prospérité, incarne la voie épuisée du multilatéralisme et de la coopération internationale pour « sauver la planète ». L’Israélien se préoccupe de paix, en sauvant des vies humaines dans son pays en détruisant l’islamisme féroce et en contribuant ainsi à construire un monde plus sûr pour tous. 

L’Argentin s’oppose à l’étatisme qui gangrène la prospérité des peuples. Contrairement à la Belgique et l’UE, Milei est convaincu que les solutions collectivistes ou globalistes ont échoué. Sa défense de la souveraineté nationale et de la liberté économique promeut une vision du monde dans laquelle chaque nation est responsable de son propre destin, sans être contrainte par des accords internationaux que, de toute façon, personne ne respecte.

On ne pourra plus longtemps pratiquer le « en même temps » cher à Emmanuel Macron. Ces deux visions du monde sont tellement antagonistes qu’il faudra adopter l’une ou l’autre fermement. Comme l’a dit Mario Draghi (voir le PAN du 20 septembre 2024 • n° 4158), l’UE est en échec en matière de compétitivité, c’est-à-dire de prospérité. N’est-il pas temps d’essayer la recette de Milei ?