Le commentaire d’un aimable lecteur s’interrogeant sur la « finalité » d’un récent article de cette chronique (sur la Russie) incite à rappeler que la finalité première en est de partager des lectures sur des sujets éclectiques d’actualité et de société à partir d’angles divers. 

Les auteurs, souvent issus du monde académique, ne sont pas, loin s’en faut, toujours du même bord et leur lecture ne signifie pas que l’on partage leurs thèses et opinions, ni que l’on cherche à prêcher les convertis ou à convertir les mécréants. C’est encore le cas avec cette Libre réponse à Michel Onfray, Non, le Christ n’est pas un mythe de Matthieu Lavagna.

Lavagna est un auteur-conférencier catholique français, diplômé de philosophie et de théologie, qui s’est spécialisé dans l’apologétique (de l’ancien grec ἀπολογία, « discours de défense »), cette partie de la théologie chrétienne qui vise à établir la crédibilité du dogme sur des arguments historiques et rationnels. Autant dire tout de suite que Michel Onfray (« le philosophe français le plus lu et le plus traduit dans le monde », « défenseur d’une philosophie athée, hédoniste, matérialiste et littéraire » qui, selon sa biographie sur Amazon, se dit lui-même « freudo-marxiste ») en prend pour son grade.

En cause, sa Théorie de Jésus, Biographie d’une idée, l’essai paru en novembre 2023, dans lequel il avance que, si Jésus a bel et bien existé, c’est comme concept. Mais pas seulement : ses Anima, Vie et mort de l’âme (2023), Décadence, Vie et mort du judéo-christianisme (2017), Traité d’Athéologie (2005) témoignent de ce que Lavagna nomme
« une véritable exécration du christianisme » et, en particulier, de l’Eglise catholique, accusée d’être misogyne, criminelle, antisémite et nazie, bien que Onfray mette dans son Traité d’Athéologie toutes les religions monothéistes dans le même sac en les accusant de « travailler à la haine de soi et au discrédit de l’intelligence » et d’être responsables de la plupart des maux de la Terre.

« Les trois monothéismes, animés par une même pulsion de mort généalogique, partagent une série de mépris identiques : haine de la raison et de l’intelligence ; haine de la liberté ; haine de tous les livres au nom d’un seul ; haine de la vie ; » etc. déclare Onfray dans son Traité d’Athéologie, cité par Lavagna. Certes, ledit Traité date de 2005, mais, Onfray affiche-t-il d’autres dispositions d’esprit vis-à-vis du christianisme en 2023 lorsqu’il écrit dans Anima : « Jésus est pour moi une fiction sur laquelle s’est construite la civilisation judéo-chrétienne. Et j’admire ceux qui, pour évincer la thèse mythiste selon laquelle Jésus n’a pas de réalité historique, concluent d’une phrase qu’elle n’est pas sérieuse. Ce qui n’est pas sérieux, c’est de l’ignorer et de l’évincer sans argumenter. »

Dans une réponse du berger à la bergère, en l’occurrence de l’apologète au freudo-marxiste, Lavagna fait aussi ce reproche à Onfray : d’affirmer sans argumenter et de manquer de sérieux dans sa charge contre l’historicité de Jésus. Onfray dit qu’il n’a eu « d’autre existence qu’allégorique, métaphorique, symbolique, mythologique ». « Jésus est un hypertexte », persiste-t-il dans Théorie de Jésus paru l’an dernier. Lavagna considère la thèse mythiste comme irrationnelle et s’en réfère au philosophe Frédéric Guillaud : « Quelle est la meilleure hypothèse explicative de tous les textes et récits dont nous disposons ? Qu’un homme nommé Jésus de Nazareth a existé et provoqué pas mal de remous à Jérusalem - hypothèse simple et qui explique tout d’un coup ? Ou bien qu’un gigantesque complot, comprenant des milliers de ramifications, a été ourdi par une bande d’Hébreux en sandales, animés par le désir de mourir en martyrs pour des histoires qu’ils avaient inventées ? »

Lavagna accuse Onfray de verser dans l’idéologie pure, notamment lorsqu’il cite Tacite pour écrire que l’existence de chrétiens n’atteste en rien de l’existence d’un Jésus historique alors que l’historien du Ier s. après J.-C. parle précisément dans ses Annales d’un « Christ qui, sous Tibère, fut livré au supplice par le procurateur Ponce Pilate ». Lavagna ne se contente pas de réfuter la thèse mythiste d’Onfray, il répond aussi avec allure à ses accusations contre l’Eglise catholique. Quo vadis Michel ?