Dans le ciel des idées, deux conceptions de la liberté d’expression s’affrontent : l’américaine, et l’européenne.

En droit américain, le speech est free, sans qu’aucune loi fédérale n’y puisse apporter aucune restriction. C’est le premier amendement à la Constitution fédérale : «Le Congrès ne fera aucune loi qui touche l’établissement ou interdise le libre exercice d’une religion, ni qui restreigne la liberté de la parole ou de la presse, ou le droit qu’a le peuple de s’assembler paisiblement et d’adresser des pétitions au gouvernement pour la réparation des torts dont il a à se plaindre.» Bien sûr, l’incitation au meurtre et crime imminent en général, les menaces de mort ou crier ‘Au feu !’ dans un théâtre bondé, ne relèvent pas de l’expression libre, ce sont des évidences maintes fois confirmées par la jurisprudence de la Cour suprême (Brandenburg v. Ohio, 1969).

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La conception d’Elon Musk est très exactement celle de la Constitution des États-Unis qui est, à son tour, la seule conception cohérente de la liberté d’expression. Le speech est free, ou il est serve. Dans le concept européen de la soi-disant ‘liberté d’expression’, l’expression est libre, sauf ce que dira la loi. En d’autres termes, n’importe quelle majorité parlementaire, nationale ou européenne, réprimera l’expression par de nouveaux motifs ; ce qui, de fait, arrive constamment. On en vient à incarcérer des gens pour un post FB déplorant l’excès de drapeaux palestiniens, en Europe. Mais alors, la parole n’est plus libre ; elle est soumise aux lubies et à la répression féroce du pouvoir. Car, tous ceux qui ne sont pas incarcérés, vivent la peur de l’être.

X, problème ou solution ?
X est d’abord une source d’information si l’on en fait un usage raisonné. X est souvent plus rapide sur la balle que n’importe quel média traditionnel. Ensuite, nous sommes tous des médias. Vous en êtes un, j’en suis un autre. Nous assistons à ce que j’ai nommé dans La réalité augmentée (2011) l’octétisation de l’humain, c’est-à-dire la fusion, vertigineuse et démiurgique, des réalités classique et digitale, qui ne forment plus qu’une seule réalité objective. Le débat est inhérent à cette nouvelle réalité et c’est du reste ce qui ulcère la vieille presse : que les lecteurs réagissent, contredisent, argumentent, chassent, pestent ! Tous, nous rencontrons à chaque instant la contradiction sur X ; et c’est fort sain. Greenpeace.fr annonçait la semaine dernière quitter X ; pourquoi ? Parce que les community notes de X — cet outil remarquable — réfutaient systématiquement la pseudo-science de Greenpeace, de manière purement factuelle et argumentée. C’est ce que les imposteurs de la raison ne peuvent tolérer.

Les faux prophètes
Alors bien sûr il ne s’agit pas d’idéaliser les réseaux, qui sont aussi la providence des «snake oil salesmen », qui pullulaient dans l’Ouest américain, ces escrocs, faux-prophètes de tous crins et velours. Marchands de haines et d’illusions. De ce côté obscur, les réseaux n’ont toutefois pas le monopole. Qu’est Mélenchon, par exemple, si ce n’est le ‘snake oil salesman’ de la gauche Hamas, qui déverse tous les jours sa haine dans les médias traditionnels ?

Oui mais, les élites ?
Après tout, quel est le bilan de cette élite, depuis quarante ans ? En France et en Belgique, par exemple, l’élite a tout, mais absolument tout foiré : Belgique et France sont en faillite, le beau pays français se couvre de bandes plus ou moins armées qui agissent en parfaite impunité, on égorge, on décapite, on porte des coups de poignard ‘à la gorge’; les frontières du royaume sont béantes, l’UE sous gouverne franco-allemande prend le chemin de l’Argentine d’avant Milei, tandis que nos cousins américains — plus malins, plus rapides, dotés de « meilleures dents » (sic) sifflait la semaine dernière le Financial Times — nous contemplent avec ce mélange insupportable mais justifié de commisération et de mépris.

Ces maux, il faut pouvoir les dire. Le débat est libre ou il n’y a pas de débat ; sans débat, pas de démocratie : c’était la conviction ne varietur des démocrates athéniens depuis le Ve siècle ACN. Nous devons nous concentrer sur la résolution des vrais problèmes de l’Europe, au lieu de fourailler en ses marges. Par le Green Deal et les frontières ouvertes, l’Europe est au bord de l’effondrement. Demain, dans trois mois, l’État français, l’État belge, la commune de Mons seront incapables de payer leurs hordes de fonctionnaires, et leurs retraites : n’avons-nous pas assez de vrais problèmes ?

L’excès de liberté n’en fait pas partie.