Beaucoup de partis font appel à des personnalités connues, ou moins connues, de la « société civile » pour apparaître sur leur liste des diverses élections de juin prochain. En réalité, les termes « société civile » indiquent à peu près n’importe quoi, à l’exception des politiciens de carrière.

En soi, l’arrivée de nouveaux visages est une très bonne chose. C’est une façon de combattre la fâcheuse tendance à la professionnalisation de la vie politique que l’on connaît dans la plupart des partis. Ce système aboutit à ce que l’on ait des parlementaires et autres mandataires soumis entièrement à leur parti, parce que tout leur avenir professionnel dépend de leur président ou de leur chef de groupe. L’arrivée d’air frais, et des personnes que l’on peut présumer plus indépendantes par rapport au parti est donc en principe positive. 

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Il faut aussi se réjouir de voir arriver des personnes qui ont fait leurs preuves dans un autre domaine que la politique ou l’administration. L’on a en effet tendance, depuis des années, à accumuler des mandataires politiques qui n’ont jamais rien fait d’autre, ou à peine, que de travailler au profit de l’Etat. On comprend évidemment que pour ce type de personnes, il est naturel de toujours faire appel aux contribuables pour tout payer, à commencer par leur rémunération. Lorsque l’on fait appel à des futurs élus qui ont démontré être capables de travailler dans une activité réellement productive, on a des chances d’échapper à cette situation malencontreuse.

Il y a aussi une diversité manifeste parmi les personnes ainsi recrutées et l’on se rend bien compte que certaines, dont le juge Michel Claise, ont réellement quelque chose à apporter aux débats publics. On sort enfin du système consistant à recruter presque exclusivement des journalistes et présentateurs de l’audiovisuel pour bénéficier de leur popularité.

Prise de conscience ?

Tout cela est donc en principe très bien, mais cela a des raisons d’être qui méritent d’être approfondies.

Cela veut d’abord dire que les partis politiques ont enfin compris que le « personnel » qu’ils proposent aux électeurs ne répond pas aux souhaits de ceux-ci. Ce n’est pas seulement une question de « changer de têtes » mais aussi une conscience chez beaucoup d’électeurs que les choses ne fonctionnent pas bien, que les politiciens les représentent mal, et qu’ils abordent principalement des sujets qui n’intéressent pas la population. 

De ce point de vue, la lamentable valse-hésitation de Charles Michel, abandonnant un mandat prestigieux, sans doute trop prestigieux pour lui, pour se présenter aux élections, puis changeant d’avis pour poursuivre ce même mandat de président du Conseil européen, n’a fait qu’accentuer le mépris de beaucoup envers la classe politique. Tout comme, d’ailleurs, la quasi-inexistence du Premier ministre, qui se contente de tenir, balloté entre les partis de la coalition qu’il a choisis, et qui ne s’entendent sur rien. 

Cela veut aussi dire que les partis manquent de capacité de renouveau interne. Faut-il donc que leurs jeunes ne soient pas attirés par la politique, ou ne parviennent pas à convaincre les électeurs ? La question va plus loin : est-il encore aujourd’hui intéressant pour un jeune talentueux de s’aventurer dans la politique, avec un système électoral où les partis décident tout et l’électeur presque rien, et une très faible capacité à influer sur les événements ? C’est d’autant plus inquiétant que la plupart des nouveaux venus sont des personnes qui – et c’est tout à leur honneur – ont déjà exercé une carrière complète ou presque.

D’autre part, on peut se demander si ceux-ci seront tellement heureux de leur choix. Ils lâchent des métiers où ils ont souvent excellé, pour découvrir les aléas de la vie de politicien.

Risques et périls…

Il y a d’abord le risque de ne pas être élu, sachant que ce risque, dans un système de listes, ne dépend pas tellement de leurs propres qualités, mais de la communication et de la stratégie de leur parti. 

Mais plus grave, à côté du risque de ne pas être élu, il y a celui … d’être élu ! Ne serait-ce pas, pour des personnes de qualité, ce que plusieurs des nouveaux venus sont incontestablement, une source de déception ? Ne vont-ils pas découvrir que les élus, individuellement, n’ont pas grand-chose à dire, que dans un parlement, ils sont censés voter comme le chef de groupe le leur dit, et n’ont la parole que lorsque celui-ci le veut bien ? Ils verront aussi que la parole est très réglementée lorsqu’on est dans la majorité, et que si elle l’est moins dans l’opposition, c’est au prix de ne jamais être écouté par la majorité … Ne sera-t-il finalement pas plus décevant d’être élu que de ne pas l’être ? 

Ils devront aussi s’habituer au fait que les partis ne communiquent pratiquement pas sur les idées et les programmes. On peut certes trouver, en cherchant beaucoup, les programmes des partis sur leurs sites, mais il s’agit rarement de l’objet essentiel de leur communication. 

A qui perd gagne…

Les partis dépensent beaucoup d’argent, payé par le contribuable, à soigner leur image ou celle de leurs dirigeants, à imaginer ou à faire imaginer par des professionnels du marketing des slogans creux. Dans le meilleur des cas, on peut trouver le niveau de « la force tranquille » (imaginée par Jacques Séguéla pour François Mitterrand) voire « le retour du cœur » martelé il y a quelques décennies par le PS belge. Au pire on se retrouvera dans la démagogie, et avec des communications plus ou moins médiocres sur les réseaux sociaux. Ceux-ci n’aggravent en rien la situation mais sont seulement une nouvelle manière d’exprimer des paroles souvent creuses. Lorsque l’on veut un vrai débat sur un sujet, les élections belges sont rarement une opportunité. 

Pour d’autres, il faudra voir s’ils assumeront de n’avoir été choisis par leurs partis respectifs que pour aller pêcher quelques voix dans un milieu socioprofessionnel déterminé.

Tout cela est malheureusement inévitable parce que notre système électoral est la meilleure manière de décourager les gens de qualité. Pour réussir, ils doivent être choisis par un parti, qui les place en ordre utile ou non et qui les force à défendre les idées ou les slogans choisis par ses services marketing. On est loin des débats « un contre un » que l’on trouve dans les pays qui bénéficient d’un système majoritaire. 

Mais bien sûr, on ne changera jamais notre système électoral, précisément parce qu’il renforce ceux qui décident vraiment : les présidents des partis.