Mesdames et messieurs, permettez-moi de vous présenter l’événement sportif le plus confidentiel et peut-être le plus surprenant de l’année : les 49e Jeux Inter-Agences des Nations Unies ! Un spectacle fascinant où les cols blancs internationaux troquent leurs costumes gris contre des shorts, des surblouses et des maillots de bain, tout en gardant précieusement leur badge d’accréditation, spectacle que j’ai découvert dans un hôtel de la Costa brava où je passais quelques jours de repos.

La grande migration annuelle

Tel un troupeau de gazelles diplomatiques, ces athlètes-fonctionnaires migrent chaque année vers une nouvelle destination. Après Lloret de Mar en 2023, les rumeurs dans les couloirs climatisés des jeux de l’ONU murmurent que la France ou le Portugal pourraient être les prochaines terres d’accueil. Une rotation géographique minutieusement étudiée qui permet à chacun de découvrir de nouveaux horizons… aux frais de la princesse internationale.

Bien sûr, nos valeureux sportifs tiennent à préciser qu’ils contribuent personnellement à l’événement via un « fee » (comprenez « frais d’inscription »). Un geste noble qui couvre probablement le coût des médailles en chocolat et des diplômes de participation, pendant que les billets d’avion et les nuits d’hôtel sont généreusement pris en charge par ailleurs. 

Le village olympique version ONU

Imaginez la scène : Lloret de Mar, station balnéaire espagnole habituellement envahie par des touristes en quête de sangria, transformée en octobre 2023 pendant une petite semaine en un mini-village olympique pour fonctionnaires internationaux. Les inspecteurs nucléaires de l’AIEA, habitués à traquer l’uranium enrichi en Iran, s’enrichissent cette fois-ci en médailles au billard. L’occasion rêvée pour eux de rencontrer, autour d’une partie de fléchettes, leurs homologues iraniens qui, eux, s’occupent des réfugiés afghans dans leur pays. Une rencontre improbable qui aurait été impossible sur le terrain, mais qui devient toute naturelle grâce à la magie du sport onusien. Qui aurait cru que viser des boules blanches pouvait être aussi captivant que de détecter des particules radioactives ? 

« C’est comme les Jeux olympiques », m’explique fièrement un participant. Sauf que contrairement aux athlètes qui attendent quatre longues années, nos champions bureaucratiques se retrouvent chaque année. Après tout, pourquoi se priver ? Le contribuable mondial est là pour ça !

Une délégation de supporters professionnels

Le plus savoureux ? La présence de « supporters » officiels. Une dame venue tout droit d’Afrique m’explique qu’elle est là uniquement pour encourager ses collègues. Un dévouement touchant qui nécessitait évidemment un vol international et un séjour all-inclusive en Espagne. On appelle ça de la solidarité onusienne. Ces supporters, véritables professionnels de l’encouragement, constituent une catégorie à part entière dans l’organigramme des jeux.

L’empreinte carbone de l’excellence sportive

Les disciplines sont aussi variées que les rapports annuels de l’ONU :
athlétisme, natation (parfait pour se maintenir à flot dans l’océan administratif), billard (excellente préparation pour les négociations diplomatiques où il faut savoir placer ses billes), et fléchettes (idéal pour viser les objectifs du millénaire pour le développement).

Pendant ce temps, António Guterres, notre bien-aimé Secrétaire général des Nations Unies, ne cesse de nous alerter sur l’urgence climatique. « La Terre est en train de bouillir ! », proclame-t-il régulièrement depuis son bureau new-yorkais. On se demande s’il est au courant que ses troupes contribuent allègrement au réchauffement global avec leurs périples sportifs annuels.

Faisons un petit calcul approximatif : des centaines de fonctionnaires internationaux, venus des quatre coins du monde, convergent vers une station balnéaire pour… jouer aux fléchettes. Si ce n’est pas là une utilisation judicieuse des ressources de la planète, qu’est-ce que c’est ?

Le mystère médiatique

Le plus intriguant dans cette histoire ? Le silence assourdissant des médias. Pas une ligne dans la presse internationale, pas un tweet indigné, pas un reportage sur ces jeux qui rivalisent en prestige avec… eh bien, avec rien du tout en fait. Peut-être est-ce mieux ainsi. Certaines traditions doivent rester confidentielles, comme les notes de frais qui les accompagnent.

Mais ne soyons pas trop cyniques. Ces jeux ont probablement des vertus cachées. Ils permettent aux fonctionnaires internationaux de se rencontrer dans un cadre décontracté, d’échanger sur les meilleures pratiques en matière de remplissage de formulaires, et de créer des synergies interagences autour d’une partie de billard. N’est-ce pas là l’essence même de la coopération internationale ?

Ces jeux nous rappellent que même les institutions les plus sérieuses ont besoin de leurs moments de détente. Et si cela implique quelques vols internationaux, une légère contradiction avec les messages sur l’urgence climatique, et un « fee » symbolique pour se donner bonne conscience, ne chipotons pas. Après tout, la paix mondiale se construit peut-être aussi autour d’une table de billard à Lloret de Mar, en attendant la prochaine destination prestigieuse qui accueillera cette grande famille du sport bureaucratique international.

Une recherche approfondie confirme l’absence totale de couverture médiatique de cet événement. Apparemment, ce qui s’est passé à Lloret reste à Lloret, sauf quand un touriste perplexe décide d’en parler dans PAN.